Chapitre 19

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Quelques jours s'étaient écoulés depuis la soirée d'anniversaire. Valéri s'était confondu en excuse la larme à l'œil en découvrant le lendemain le dos de sa femme trié des traces de coups. Il avait l'air si sincère et Spencer n'avait pu s'empêcher d'en pleurer sur son sort parce qu'elle savait qu'il ne suffirait que d'une seconde pour qu'il recommence. 

Cette nuit avait été la plus humiliante de toutes, elle ne s'était jamais senti aussi démunie, rabaissée, coincée sous son corps, à entendre plus qu'elle ne voyait encore, et encore sa ceinture heurtait violemment sa peau. Elle avait cru y passer sous la douleur de la morsure du cuir. 

Et peut-être que ça aurait été mieux ?

Elle ne serait plus obligée de supporter l'hypocrisie de cet homme qui était censé la protéger, mais qui ne faisait que la blesser et l'asservir de la pire manière qui soit. S'il y avait une manière idéale pour ça.

Mais à peine avait-elle eu cette pensée qu'elle s'en était voulu. Elle ne pouvait pas penser de la sorte pour son petit garçon qui n'avait pas demandé à naître dans une famille si fissurée, attendant que le vent souffle un peu plus fort pour qu'elle s'écroule. Il n'avait pas demandé un père si indifférent et une mère aussi lâche et faible qu'elle. Il aurait peut-être pu se porter mieux sans eux, mais l'idée d'imaginer son petit Cyrus seul livré à lui-même ou pire, seul avec Valéri, a le don de la réveiller, lui donnant la force de rester debout, de vivre assez longtemps, de supporter tout ce qui est supportable pour que ce jour n'arrive là jamais.

Les jours suivants, elle avait repris son rôle de la femme soumise, avalant chaque moindre des paroles comme les saintes écritures pour le bien de son fils. Après une telle nuit de souffrance et la menace à l'encontre de son enfant, même la plus rebelle des femmes agirait-elle comme elle. 

Elle n'avait donc pas revu ni parlé à Talia depuis ce week-end là. Peu importe comment elle se sentait à ses côtés, le plus important était le bien-être de son petit bout de chou.

Et Talia, de son côté, s'inquiétait de ça, qu'elle ne donne aucune nouvelle et ne réponde ni à ses messages et ses appels. Elle avait même pris l'initiative de se rendre chez elle, mais personne n'avait répondu à la porte. Pourtant, elle était certaine que son amie était là. Elle ne pouvait s'empêcher de penser que tout ça avait un lien avec cet homme peu commode qui lui servait de mari. Qu'est-ce qui a pu se passer après son départ pour que deux semaines plutard elle ne donne toujours pas signe de vie ?

Perdue dans ses pensées, elle ne vit pas tout de suite le gobelet qu'elle remplissait débordé de café. C'est Charlie, sa collègue, qui lui fit prendre connaissance des dégâts. Elle s'empressa donc de nettoyer tout ça. 

– Bon sang Talia, où as-tu la tête ce matin ? Ça fait deux fois que tu gâches une commande ! Tu es sûr que ça va ?

– Oui, t'en fait pas, ça va. J'ai juste été un peu distraite. Je suis au taquet là, dit-elle en commençant la préparation d'une nouvelle commande.

– Écoute, je pense que tu devrais prendre une petite pause-clope histoire de t'aérer un peu l'esprit. On va gérer avec Omar.

– Tu es sûr ? Il y a pas mal de monde ce matin, dit-elle. 

Le café/bar était bien rempli, oui. Quasiment toutes les tables étaient prises et une belle file s'était amassée devant elles pour récupérer leur café emporté. Omar s'occupait déjà comme il pouvait du service à table avec une autre serveuse, alors elle ne pensait pas que c'était vraiment une bonne idée de les laisser à ce moment précis. C'était comme ça depuis que le mois de novembre approchait à grands pas, que le froid de l'hiver à venir se faisait déjà légèrement sentir. Tout le monde se pressait pour avoir un bon café, un thé ou un chocolat chaud pour se réchauffer un peu petit, ou encore un délicieux gâteau, histoire de se retrouver un moment de plus au chaud entre quatre murs avant de retourner affronter le vent glacial de l'extérieur. 

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