Oracles ~ La saison des Effacés

Chapitre 29 : Présage

Eleonor se demandait si elle était bien coiffée.

Elle allait rencontrer les dirigeants d'Astras pour leur exposer une théorie sur un domaine qu'elle maîtrisait à peine, était habillée avec des vêtements de Jahad qui ressemblaient davantage à un pyjama élaboré qu'à une tenue sérieuse, et sentait que ses compétences en lysirien étaient en train de prendre des vacances. Le minimum aurait été qu'elle soit bien coiffée.

- J'ai l'air présentable ? demanda-t-elle finalement à William.

Depuis dix minutes qu'ils attendaient devant une porte en vitrail à la précision ahurissante, elle n'osait pas lui poser la question. Il fronça les sourcils comme si elle venait de dire quelque chose de bête. Ou peut-être était-ce parce qu'elle s'adressait à lui en lysirien ? Eleonor tentait de s'entraîner comme elle pouvait avant le moment fatidique.

- Ce n'est pas important, répondit-il.

- Tout de même un peu...

- Ce n'est pas important, confirma Harvey. Je pense qu'aucun chasseur de prime ne s'est jamais pointé devant eux sans être couvert de boue, de poussière ou de sang.

- Des branches dans les cheveux, ajouta Luc.

Eleonor ne savait pas si elle était rassurée ou pas, mais saluait l'effort des deux chasseurs de prime. Son angoisse était plus forte que ses autres émotions.

Victorien lui avait un jour dit les noms des dirigeants, mais elle les avait déjà oubliés. Elle espérait que William les connaissait.

Ils patientèrent pendant un quart d'heure jusqu'à ce que deux silhouettes arrivent à leur niveau au pas de course. Un homme et une femme, vêtus de tuniques dans des tons bleu clair, noir et blanc, surmontés d'une cape ivoire au tissu qui avait l'air aussi fin que doux.

Les chasseurs de prime se raidirent, en contraste avec l'absence de réaction d'Eleonor et de William.

L'homme se tourna vers Luc.

- C'est vous qui avez demandé une audience en urgence ?

- Oui. Merci de votre rapidité.

- Il faudra que ce soit court. La journée est chargée.

La femme ouvrit la porte en vitrail et invita tout le monde à la suivre. Eleonor profita de se retrouver à proximité de Harvey pour lui poser une question.

- Ce sont les dirigeants ?

- Oui. Vous n'êtes pas d'Astras ?

Eleonor n'eut pas le temps de lui répondre, puisqu'elle dut suivre les autres à l'intérieur. La chasseuse de prime la talonna.

- Gauche, Arla Daelstrat, murmura-t-elle. Droite, Ingmerid Farrow.

Eleonor voulut la remercier, mais oublia complètement quand ses yeux se posèrent sur le plafond. Elle y trouva une gigantesque peinture représentant un affrontement entre une vingtaine de magiciens, où des éclats de magie flottaient entre eux dans des teintes vibrantes qui se reflétaient sur leurs peaux. Il y avait tant de détails dessus, que ce soit dans les vêtements, les positions des protagonistes ou dans le paysage, que son cerveau avait du mal à tous les intégrer.

Harvey lui tapota l'épaule pour qu'elle revienne à la réalité. Eleonor, gênée de s'être ainsi déconcentrée, accéléra jusqu'à rattraper les autres, qui l'avaient devancée de plusieurs pas.

- Pas la peine de respecter le protocole, lança la reine. Mettons-nous au centre et réglons ça vite.

Ils se positionnèrent l'un à côté de l'autre pour faire face à Eleonor, William et aux deux chasseurs de prime. Derrière eux, au bout de la pièce rectangulaire, Eleonor vit des chaises de bois, bien sobres comparées à la décoration, soigneusement alignées sur le carrelage blanc et bleu. Ils devaient s'asseoir là, quand ils recevaient des gens en temps normal.