Une vie

Prologue

Je m'avancai sur le circuit de mon enfance, ce circuit de Karting qui m'avait vu découvrir le plaisir et l'excitation du sport automobile. Ce circuit, sur lequel j'avais affronté mon plus grand adversaire, celui-là même qui était la raison de ma présence en ces lieux. Il était et sera toujours l'un des plus grands pilotes de l'histoire de la Formule 1, et malgré notre rivalité, d'être présent aujourd'hui sur cette piste, de sentir l'odeur du tarmac, des pneumatiques chauffés, et d'entendre le bruit des Karts que pilotaient ces enfants face à moi, tout cela me rappelait cet homme, cet ami si cher qui m'avait quitté, ainsi que nos batailles en piste, son talent inné pour la course, son regard déterminé et brûlant de passion pour ce sport qui nous avait réunis.

Ce jour-là, c'était la troisième année consécutive que je venais sur ce circuit, à la recherche d'un talent que je pourrais faire éclore. Je savais que j'avais raté de futurs champions du monde dont un certain Jules Bianchi dont je connaissais la famille ; Charles Leclerc, mais aussi le fils de Jos Verstappen, Max, que j'avais vu courir et que je savais être l'un des pilotes les plus prometteurs de sa génération.

Mais j'étais déterminé, et je sentais que cette année serait la bonne. Je m'étais promis de donner sa chance à un jeune talent, à qui j'apprendrais tout ce que je savais. Un jeune talent qui aurait sa trempe et que je saurais prêt à tout pour gagner. Un talent qui deviendrait le mélange parfait entre Ayrton Senna et Alai-

— MonsieurProst ! Monsieur Prost, est-ce que je peux avoir un autographe s'il vous plaît ? me demanda un homme à mes côtés, sûrement le père d'une de ces graines de talent.
— Bien sûr, acceptai-je en prenant le stylo qu'il me tendait. Dîtes-moi, vous savez à quelle heure la course commence ?

Il me lança un regard surpris, avant de regarder sa montre, puis la piste, puis sa montre à nouveau.
— Eh bien, il me semble que ce sera dans une dizaine de minutes, le temps que les derniers Juniors fassent un tour, me répondit-il avec une certaine hésitation.
— Merci, lui souris-je, avant de lui rendre sa casquette Ferrari floquée du numéro 1 de Michael Schumacher.

Je savais que cette appréhension que je devinais chez lui provenait de mon statut de champion du monde, et j'espérais intérieurement que peu de personnes oseraient venir me demander un autographe, je n'étais pas là pour cela. Seulement, mes espoirs s'envolèrent en fumée lorsqu'un journaliste sportif - très certainement venu pour dénicher des dramas pour la course qui approchait - se précipita vers moi, me tendant son micro.
— Alain ! Alain, que pensez-vous du championnat du monde qui se déroule cette année en Formule 1 ? me demanda-t-il avec précipitation, faisant signe à son collègue cameraman de filmer chacune de mes réactions.

— Pas grand-chose, que voulez-vous que je vous dise ? Cela fait des années que je n'ai pas piloté une monoplace. Tout ce que je peux vous dire, c'est que Renault est très fort cette année, soupirai-je, tout en avançant vers les barrières qui délimitaient la piste.
— Et au sujet du futur champion du monde ? Selon vous, qui de Michael ou de Fernando l'emportera ? continua le journaliste, semblant prêt à tout pour me décrocher une réaction, un mot, ou un geste dont il pourrait ensuite se servir pour créer un article véreux, destiné à pousser les gens à acheter ses journaux, et alimenter la toxicité déjà beaucoup trop présente dans le sport automobile.
— Écoutez, soufflai-je, définitivement énervé. Je n'ai vraiment pas d'avis sur la question. Si vous pouviez me laisser ce serait très aimable à vous, je souhaiterai profiter de la course.

Heureusement cette fois, le paparazzi comprit et se détourna, allant recueillir les avis d'autres personnes présentes. Cependant, se furent de nombreux fans qui m'assaillirent, ayant sûrement entendu ma conversation avec le journaliste. Bien que je fus quelque peu frustré de cette distraction, qui m'empêchait de réellement regarder les petits pilotes sur le tarmac, je devais avouer qu'il s'agissait d'un moment rare d'échange et de communion avec des passionnés de ce sport si intéressant.