𝐋𝐈𝐀𝐑 𝐓𝟏 { en réécriture }

𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟗 | 𝐑𝐨𝐬𝐞

2 ans en arrière

J'ai mal, si mal que même respirer devient compliqué. Le monde autour de moi semble tourner à une vitesse déconcertante. J'essaie de me redresser, mais abandonne aussitôt l'idée lorsqu'un violent vertige me fait regagner le sol. Mon cœur bat si fort et promptement que je le sens dans tous mes membres, palpiter sous ma peau recouverte d'hématomes et de plaies ouvertes faisant couler abondamment mon sang d'un rouge si vif.

J'ignore combien de temps suis-je restée allongée par terre, à observer les astres en silence en attendant que les heures passent, courent comme les étoiles filantes qui traversent le ciel. Je ne sens plus mon corps tremblant, je ne sens plus mon âme.

Ma respiration me berce dans le calme apaisant de la nuit, la clarté de la lune illumine mon visage baigné de larmes tandis que j'abaisse la tête vers ma cuisse gauche noyée par le liquide écarlate qui afflue hors de cette dernière. Je l'effleure du bout des doigts d'un mouvement hésitant et vacillant. Maculées de taches rouges apparentes même à travers l'obscurité effrayante, mes mains se posent sur mon ventre qui se gonfle et redescend aussi lentement que mon souffle le permet.

J'ai été faible. Encore une fois, je n'ai pas su riposter face à Pearl et Liam. Et je suis épuisée de subir ces violences chaque jour. De ne pas avoir le droit de passer ne serait-ce qu'une minute sans craindre celle d'après. De sentir ma poitrine se serrer momentanément dès que la sonnerie du lycée retentit, de m'endormir en pleurant chaque nuit en me ressassant leurs paroles crues et horribles.

La vie est si injuste. Je la hais autant que je me déteste.

Ils n'y sont pas allés de main morte. Je me demande comment un humain peut-il faire subir ce genre de chose à un de ses semblables. Et je n'aurais malheureusement jamais de réponse, car le harcèlement a toujours été un acte banalisé par la société. Personne n'agit et ne l'a jamais fait, comme aujourd'hui. Lorsqu'ils m'ont trainé en me tirant les cheveux pour m'emmener dans ce petit coin isolé à l'arrière du lycée, des tonnes de regards curieux et inquiets étaient braqués sur nous. Certains convergeaient dans notre direction, mais ne s'attardaient pas sur mes jambes râpées par le goudron de la cour, d'autres semblaient hésiter à intervenir. Mais personne n'a bougé.

Ma lèvre inférieure tremble si violemment que j'y implante mes dents pour tenter de l'arrêter, mais ce geste est inutile. Alors je contemple les étoiles, l'obscurité m'engloutissant de toutes parts.

Mon portable ne cesse de vibrer dans mon sac, ce dernier est étalé au sol. Et pendant que mes sanglots reprennent de plus belle telle une mélodie continuelle, je me demande pourquoi l'univers est-il si injuste avec moi. Dans la vie, tout ce qui nous arrive résulte uniquement de nos propres choix, seulement, je n'ai pas choisi de ressentir des sentiments pour le blond aux yeux verts qui est aujourd'hui devenu mon bourreau. Je n'ai pas pris la décision d'être aussi faible. Je n'ai pas fait le choix d'être... moi.

J'ignore ce que j'ai pu faire pour mériter tout ça, peut-être que je ne vaux pas ma présence dans ce monde, peut-être que finalement, ma place est destinée à être aux côtés de mon père. Je ne sais pas, mais ce dont je suis sure, c'est que personne ne mérite de vivre un tel acharnement au quotidien.

J'ai l'impression d'avoir été réduite à une simple enveloppe charnelle vide de l'intérieur. Comme si mon âme avait décidé de prendre quelques jours de congés et de se libérer de la prison qu'est mon corps. Mais à regret, je suis aussi abimée physiquement que psychologiquement. Je ne suis qu'une adolescente de seize ans qui se fait violenter, survivante des actes barbares et sans empathie de mes camarades de classe. Circuler dans les couloirs est devenu angoissant, manger à la cafétéria inquiétant, prendre le bus risqué et marcher dans la cour dangereux. Même l'allée qui sépare le car de l'entrée de l'école est une potentielle zone à risque, je n'ai jamais été épargnée.

Alors je passe mon temps libre dans les toilettes en priant silencieusement afin qu'ils ne me retrouvent pas. Cependant, cette école n'est pas assez grande pour qu'ils ne me mettent pas la main dessus.

Je n'en peux plus.

Une énième larme traverse ma joue pour finir son chemin sur le gravier, mes yeux me brulent, mes paupières sont aussi lourdes que des poids pesant une tonne. Lorsqu'ils se sont attaqués à moi, c'était le milieu de l'après-midi. Maintenant, la nuit sombre me berce dans ses bras tandis que je m'endors peu à peu, la douleur devenant insupportable. Je ne sais pas ce qui se passera par la suite, demain sera un nouveau jour. Mais ce que je devine sans souci, c'est que l'histoire se répètera. Je serais à nouveau victime d'agressions, et personne ne viendra me secourir. Car ça a toujours été comme ça, et ça ne changera jamais.

Je ne suis peut-être pas faite pour ce monde. Mais dans ce cas-là, où est ma place ?