𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟏 | 𝐑𝐨𝐬𝐞

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Une dernière couche de rouge à lèvres et j'y vais.

    Non, mes cheveux sont bizarres.

    À moins que ce soit la robe ?

    Ou les talons ?

    Ça m'agace.

    Je pourrais mourir tant mon cœur s'emballe dans ma poitrine. Je ne saurais dire si le mauvais pressentiment qui me retourne l'estomac et me noue la gorge en est à l'origine, mais ce dont je suis sure, c'est que la personne que je vois dans ce miroir m'est inconnue. Ce n'est pas moi, vêtue de cette robe en lin noire qui épouse mes formes à merveille comme si on l'avait cousue avec mes mensurations. Perchée sur ces talons de dix centimètres, les cheveux brulants après les avoir ondulés pendant une bonne quinzaine de minutes, les lèvres recouvertes d'un rouge à lèvres carmin hors de prix qui ne m'appartient pas et les cils alourdis par une bonne couche de mascara.

    Autrement dit, j'ai laissé prendre vie une femme contraire à ma personnalité. Mais cette femme, c'est moi. Une nouvelle version de moi-même qui semble plus évoluée. Et je me sens étrangement bien, accoutrée de cette façon.

    Un gout âcre envahit ma cavité buccale lorsque la peur de faire tache parmi tous ces hommes d'affaires aux bras de leurs épouses empestant la richesse pure se pointe, ça me rend presque nauséeuse. Je déglutis en fixant mon reflet à travers la glace, les lèvres scellées et surtout, terrorisée à l'idée de me rendre au centre d'un traquenard. Mais le pire dans tout ça n'est pas le fait d'y assister, c'est le fait d'être aux premières loges.

    La maison n'a jamais été aussi silencieuse que ce soir. D'habitude, les pas lourds et réguliers d'Elijah sont toujours là pour briser le silence et me faire exagérément lever les yeux au ciel. Seulement là, je n'entends rien du tout. Pas même une mouche voler ni le tintement de l'horloge murale qui me fait si souvent soupirer.

    Ce n'est pas bon signe, quelque chose de terrible se prépare. Et contrairement à ce que je pensais, je ne suis pas sereine.

    Pas du tout.

    La chaleur de mes cheveux en contact avec mes épaules nues m'apporte une sorte de réconfort, j'ignore si cela est le résultat d'une angoisse que je n'ai jamais eu à rencontrer en dix-huit ans d'existence, mais en tout cas, cette sensation est bien là, à me soulager d'une manière ou d'une autre.

    Même si j'aurais préféré rester dans mon lit toute la soirée en me gavant de glace.

    D'une main tremblante, je saisis l'appareil électronique que Memphis m'a précédemment consigné d'enfiler, ce que j'hésite à faire durant une seconde. Enfin, je me résigne et l'enfonce dans mon oreille, un petit grésillement fait vibrer mon tympan lorsque je la cache sous mes cheveux lâchés.

    Qu'est-ce que je m'apprête à faire ?

    Un dernier coup d'œil à mon apparence suffit à me faire quitter la salle de bains, mes talons claquent sur le sol en marbre à chaque pas que je fais. Comme un décompte signant la fin de mon existence.

    Je traverse le couloir qui me parait interminable dans un silence de mort, les yeux fixés sur le sol et la démarche hésitante tandis que mon angoisse ne cesse d'augmenter. Des bruits de pas plus rapides que les miens me parviennent depuis le rez-de-chaussée. Prête à m'écrouler d'une seconde à l'autre, mes jambes peinent à me soutenir. Je ne sais pas si ce sont mes tremblements ou si ces foutus talons à aiguilles en sont à l'origine, mais j'hésite sincèrement à opérer un demi-tour pour enfiler une paire de chaussures confortables.

𝐋𝐈𝐀𝐑 𝐓𝟏 { en réécriture }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant