𝐋𝐈𝐀𝐑 𝐓𝟏 { en réécriture }

𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑𝟕 | 𝐄𝐥𝐢𝐣𝐚𝐡

Il a fallu que je plonge dans un océan azur pour que toutes mes volontés s'envolent. Celles de ne pas rendre visite à ma mère. Mais quand j'ai entendu ses mots apaisants et réconfortants, je n'ai pas pu refuser. Si je ne suis jamais venu la voir, c'était en partie à cause de ma lâcheté. Je ne suis qu'un lâche pour l'avoir livré au service médical psychiatrique dans l'espoir de la soigner. Mais tout ce que j'ai fait, c'est l'isoler et la rendre malheureuse à l'écart du monde.

    Le pire, c'est que j'en ai pleinement conscience. Parce que ces dernières années, je n'ai rendu visite à Keyden que trois ou quatre fois, et zéro à ma mère. J'ai échoué en tant que petit frère et en tant que fils.

    Alors, voilà pourquoi je ne souhaitais pas la voir. Mais il a suffi que Rose fasse l'un de ses innombrables discours à l'eau de rose pour que je foute toutes mes craintes en l'air et que j'accomplisse ce que sa voix harmonieuse et douce me conseillait.

    Désormais, j'observe longuement la devanture de l'établissement, la gorge nouée et l'estomac creusé. La façade parait si effrayante que mon Dieu, j'aimerais être partout à cet instant, mais pas ici. J'inspire en essayant de décrisper mes membres, mais ce geste fait tout l'inverse. L'oxygène qui pénètre dans mon corps semble peser une tonne alors qu'elle s'insinue dans ma poitrine déjà douloureuse en m'alourdissant d'un poids  encombrant.

  — Tu es paré pour affronter la réalité ? me demande Rose en glissant ses doigts entre les miens.

    Je lie nos mains et serre fort la sienne comme si je m'accrochais à la seule chose qui pouvait maintenir ma tête hors de l'eau lors d'une noyade mortelle.

  — Je suis plutôt prêt à me barrer d'ici en courant, je réponds en soupirant.

    Elle souffle en se collant à mon flanc, sa paume se pose sur ma joue et fait pivoter mon visage dans sa direction. Mes yeux s'ancrent aux siens, j'inspire en la contemplant silencieusement.

  — Eh, susurre-t-elle, je suis là. Tu n'es pas tout seul, Elijah. Je suis avec toi, et je te soutiendrai du début à la fin.

    D'où sort cette fille ?

    Parce que putain, plus je l'observe, et plus je la trouve parfaite.

    Je hoche doucement la tête avant de reposer mon regard sur l'asile qui nous fait face. Après un énième soupir, j'emboite le pas et monte les marches du perron aux côtés de Rose qui n'a pas l'air aussi calme qu'elle laisse paraitre. Elle s'apprête à rencontrer ma mère, et autant dire qu'un hôpital pour les fous n'est pas vraiment l'endroit idéal pour ce genre de truc. Je lui jette un œil discret, sentant ses doigts se resserrer autour des miens. Elle fixe l'imposante entrée en bois qui nous fait face, la dernière barrière qui nous sépare des malades.

    Je jure que si l'un d'entre eux ose s'approcher de près ou de loin de nous, je le renvoie au ciel.

    D'un geste vacillant, j'appuie sur le bouton de l'interphone à ma gauche, les tonalités qui retentissent résonnent dans mon esprit pendant que j'observe les poignets rondes de la porte.

    Qui utilise encore ça de nos jours ?

    On n'est plus au dix-neuvième siècle, bordel.

  — C'est pour quoi ? demande une voix vieillarde à travers l'appareil.

  — On vient rendre visite à quelqu'un, répond Rose quelques secondes après en remarquant qu'aucun mot ne sort de ma bouche.

  — Vos noms, s'il vous plait ?

  — Rose Scott et Elijah Keurton, continue-t-elle.

    Je n'avais jamais fais attention, mais nos noms associés sonnent si bien ensemble que ça a presque le don de m'arracher un sourire.