𝐋𝐈𝐀𝐑 𝐓𝟏 { en réécriture }

𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟒 | 𝐑𝐨𝐬𝐞

— Tu comptes rester silencieuse tout le trajet ? demande Elijah en croisant les bras sur son torse.

  — Jusqu'à ce que tu arrêtes de me regarder comme si j'étais un colis expédié au mauvais endroit, réponds-je en faisant mine d'etre occupée sur mon téléphone.

   Mais la vérité, c'est que c'est la centième fois au moins que je défile l'écran d'accueil en observant les icones d'applications apparaitre puis disparaitre, tout ça pour éviter d'affronter son regard persistant. Il souffle par le nez sans cesser de me considérer. Deux jours se sont écoulés depuis la soirée de l'horreur, un seul depuis qu'il m'a minablement rejeté lorsque je lui ai demandé – ou plutôt supplié – de rester avec moi, et des heures que je le fuis comme la peste. J'ai, pour la seconde fois, accepté comme une idiote de rester enfermée avec lui dans son foutu jet privé pendant des heures.

    A nouveau, nous planons dans le ciel en direction de la Californie et j'ai l'impression que ce vol durera des centaines voire des milliers d'années à cause de ses billes émeraudes qui me fixent sans arrêt. Il m'observe, je le fuis. Il m'observe, j'évite. Il m'observe toujours.

****

   
Les membres grelotants de froid et les paupières alourdies par la fatigue assommante, j'insère la clé de mon appartement dans la serrure puis déverrouille la porte. L'odeur familière ainsi que la chaleur du lieu m'accueille immédiatement, toutes les lumières sont éteintes laissant la sombreur de la nuit pénétrer à travers les vitres aux stores ouvertes. Je laisse ma valise à l'entrée en poussant un soupir puis me déchausse – je rêve de ce moment depuis des jours-. Le silence me salue quand j'ouvre délicatement la porte de la chambre plongée dans le noir de Lyah, cette dernière dort à poings fermés dans son lit. La nuit est tombée depuis un certain temps alors je ne peux lui en vouloir de dormir lors de mon retour. Au contraire, la solitude m'a tant tendu les bras ces derniers jours que je ne peux résister à la tentation cette fois-ci.

    Après cinq jours passés avec des énergumènes qui s'avèrent etre des criminels, je ne peux que réclamer de la tranquillité. Des énergumènes qui ont d'ailleurs été de très bonnes compagnies et qui ont étrangement eu le don de m'arracher plus d'un fou rire.

    Elijah n'est bien évidemment pas compté dans le lot.

    Je m'étire en boitant silencieusement vers le salon, non sans grimacer légèrement. J'ai peut-etre gardé de bons souvenirs de cette petite escapade au Mexique mais les mauvais prennent le dessus, surtout quand ces derniers ont également marqué mon corps d'une manière si abominable. J'ai gardé des séquelles de la soirée d'Alberto, physiques comme psychologiques. J'ai conscience que maintenant, ma vie ne sera plus jamais la même. Car j'ai croisé le chemin d'Elijah Keurton, j'ai croisé le chemin de ses hommes et de son organisation entière. Et maintenant, il est trop tard pour faire machine arrière. Je suis comme... condamnée à errer avec le diable et ses sbires.

    Je fais lentement glisser la porte-fenêtre du balcon, l'air frais du mois de novembre m'immobilise à l'entrebâillement quelques instants puis au contraire, m'attire vers le garde-corps en verre. Je m'avance vers ce dernier puis m'accoude à la balustrade en inspirant une grande bouffée d'air frais. C'est fou et je ne pensais pas que ça serait un jour le cas mais je ressens l'étrange sentiment d'etre de retour à la maison. De retour... chez moi, là où se trouve ma place. Là où j'aurais dû etre depuis toujours.

    Je balaye le campus illuminé du regard puis relève le regard vers les bois au loin contrastant avec la lumière de l'université. J'ai l'impression que ça définit à merveille ma situation actuelle. J'ignore quel côté choisir entre l'obscurité et la lumière. Pourtant, toute personne sensée aurait déjà fait son choix depuis une éternité, mais ce n'est pas mon cas. Car j'ai l'impression que par-delà le danger se trouve ma destinée.