Chapitre 3

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Les jours qui suivent sont teintés d'une étrange agitation pour Claude Frollo. Une tension latente le ronge, une inquiétude qu'il peine à identifier. Bien qu'il tente de s'enfermer dans ses études et ses prières, son esprit retourne sans cesse à la vision de l'ange qu'il a eue vingt ans plus tôt. La voix de cet être céleste résonne encore en lui, lui rappelant l'épreuve à laquelle il est voué. Il sent que le moment crucial approche, mais il ne sait comment ni quand il sera confronté à cette épreuve.

Pendant ce temps, Quasimodo poursuit sa vie de sonneur dans la cathédrale. Mais quelque chose a changé en lui depuis ce jour sur la place de Grève. Esmeralda hante ses pensées, et il est tourmenté par l'envie de la revoir. Cette envie, nouvelle et incompréhensible pour lui, le pousse à la fois à se rapprocher d'elle et à fuir ces sentiments qu'il ne sait pas gérer.

Un soir, alors que la lumière décline sur Paris et que l'air se rafraîchit, Quasimodo se décide à descendre à nouveau dans les rues, espérant apercevoir Esmeralda. Il se glisse hors de Notre-Dame, évitant les regards curieux, et erre dans les ruelles, se laissant guider par une impulsion qu'il ne contrôle plus.

Au même moment, Claude Frollo, pris d'un malaise inexplicable, ressent le besoin de quitter son étude et de se rendre à la cathédrale. Il descend lentement les escaliers de pierre, traversant les couloirs silencieux de Notre-Dame, son esprit envahi par une prière silencieuse. Lorsqu'il atteint la grande porte, il s'arrête un instant, inspirant profondément l'air frais de la nuit.

C'est alors qu'il la voit.

Au loin, sur la place déserte, une silhouette danse, seule sous la lumière pâle de la lune. Esmeralda. Claude Frollo la reconnaît instantanément. C'est la même jeune femme qu'il a déjà aperçue quelques jours plus tôt, lorsqu'elle dansait au milieu de la foule. Mais ici, sous la clarté lunaire, sa beauté est encore plus envoûtante. Elle semble irréelle, presque éthérée, ses mouvements gracieux projetant des ombres ondoyantes sur les pavés.

Claude Frollo reste immobile, fasciné, mais aussi effrayé. Il se sent comme hypnotisé par cette vision. Une part de lui veut s'approcher, lui parler, mais une autre part, plus sombre, lui crie de fuir, de se réfugier dans la sécurité de la cathédrale. Il sait que quelque chose en lui est sur le point de changer, quelque chose qu'il a longtemps réprimé.

Esmeralda, ignorant tout de l'effet qu'elle produit sur l'archidiacre, continue de danser, perdue dans sa propre mélodie, ses pieds frappant doucement le sol, son tambourin tintant dans l'air frais. Sa chèvre, Djali, saute joyeusement autour d'elle, ajoutant à l'étrange poésie de la scène.

À ce moment-là, Quasimodo, qui s'était discrètement approché, voit aussi la danseuse. Il se cache derrière une colonne, trop conscient de sa difformité pour oser se montrer, mais il ne peut détourner les yeux d'Esmeralda. Ses sentiments pour elle sont confus, un mélange de fascination, d'admiration, et d'une douleur sourde qu'il ne comprend pas.

Esmeralda finit par s'arrêter, essoufflée mais souriante. Elle s'accroupit pour caresser Djali, puis lève les yeux, comme si elle sentait qu'elle n'était plus seule. Son regard croise alors celui de Claude Frollo. Un frisson la traverse. Il y a quelque chose d'étrange et de troublant dans les yeux de cet homme vêtu de noir, quelque chose qui la met mal à l'aise.

Frollo, conscient qu'il a été repéré, se force à s'avancer. Chaque pas est une lutte contre lui-même, contre cette peur irrationnelle qui le pousse à s'enfuir. Il ne peut détourner les yeux de la jeune femme, comme s'il était attiré par une force invisible. Lorsqu'il est enfin à quelques mètres d'elle, il s'arrête, tentant de reprendre son souffle.

« Vous... vous dansez magnifiquement, » parvient-il à dire, sa voix tremblante d'une émotion qu'il ne parvient pas à contenir.

Esmeralda, surprise par ce compliment inattendu, le regarde avec curiosité. Il y a quelque chose de terriblement solennel et austère chez cet homme, quelque chose qui contraste avec la douceur de ses paroles. « Merci, monsieur, » répond-elle poliment, en se relevant. « Mais pourquoi m'observez-vous ainsi ? »

Claude Frollo ouvre la bouche pour répondre, mais les mots lui manquent. Comment pourrait-il expliquer ce qu'il ressent ? Lui-même n'en comprend qu'une infime partie. Il se contente de secouer la tête, comme s'il essayait de chasser une pensée importune.

« Je... je suis Claude Frollo, archidiacre de Notre-Dame, » finit-il par dire, espérant que son titre suffirait à expliquer sa présence.

Esmeralda incline légèrement la tête en signe de respect. « Moi, on m'appelle Esmeralda. Je suis une gitane, une danseuse. »

Le mot « gitane » résonne douloureusement dans l'esprit de Frollo. Il a souvent entendu ces rumeurs, ces superstitions qui entourent le peuple des gitans, les accusant de toutes sortes de maléfices. Mais en regardant Esmeralda, il ne voit aucune trace de cette noirceur dont parlent les rumeurs. Au contraire, il est frappé par sa beauté lumineuse, par la pureté qui émane d'elle.

« Une gitane... » murmure-t-il, plus pour lui-même que pour elle. Mais à cet instant, une pensée sombre surgit dans son esprit, une pensée qui le glace d'effroi. Et si c'était cela, l'épreuve dont parlait l'ange ? Et si cette jeune femme, avec toute sa beauté et sa grâce, était en réalité l'incarnation de la tentation, venue pour tester sa foi ?

Esmeralda, voyant le visage de Frollo se crisper, se méprend sur la cause de son trouble. « Vous n'avez rien à craindre de moi, monseigneur. Je ne suis pas une sorcière, comme certains aiment à le dire. Je ne fais que danser pour gagner ma vie. »

Frollo se reprend, tentant de chasser ces pensées noires. « Bien sûr... bien sûr, » dit-il, mais son ton manque de conviction. « Je... je dois vous laisser. Que Dieu vous protège, mademoiselle. »

Il s'incline légèrement, puis fait demi-tour, s'éloignant à grands pas, son esprit tourmenté par des questions auxquelles il n'a pas de réponses. Esmeralda le regarde partir, intriguée et légèrement inquiète. Elle a déjà croisé des hommes aux intentions troubles, mais jamais quelqu'un comme lui. Il y a quelque chose de profondément perturbant chez cet homme d'Église, quelque chose qui, sans qu'elle sache pourquoi, la met en garde.

Alors qu'elle s'apprête à rentrer chez elle, Esmeralda aperçoit Quasimodo, qui sort timidement de l'ombre où il s'était caché. D'abord surprise, elle ne peut s'empêcher de ressentir une pointe de compassion pour ce personnage étrange et solitaire. Quasimodo, conscient d'avoir été vu, tente de se retirer, mais elle l'interpelle doucement.

« Attendez... ne partez pas, » dit-elle, un sourire chaleureux aux lèvres. « Vous êtes le sonneur de cloches, n'est-ce pas ? »

Quasimodo hoche la tête, trop timide pour parler. Esmeralda s'approche de lui, sans peur, contrairement aux autres. Elle le regarde droit dans les yeux, cherchant à voir au-delà de son apparence effrayante.

« Vous avez un bon cœur, » dit-elle doucement. « Je le vois. Ne laissez pas les autres vous faire croire le contraire. »

Quasimodo reste muet, mais un sentiment de chaleur se répand en lui. C'est la première fois que quelqu'un le regarde ainsi, sans dégoût, sans peur, sans pitié. Il sent ses yeux se remplir de larmes, mais il les retient, ne voulant pas paraître plus faible qu'il ne l'est déjà.

Esmeralda, touchée par son silence, sort une petite amulette de son cou et la tend à Quasimodo. « Prenez ça, » dit-elle. « C'est pour vous protéger. »

Quasimodo hésite, mais finit par accepter l'amulette, la serrant doucement dans sa main. Il tente de la remercier, mais aucun mot ne sort de sa bouche. Esmeralda lui sourit une dernière fois avant de s'éloigner, suivie de Djali. Quasimodo reste là, figé, regardant la silhouette d'Esmeralda disparaître dans la nuit.

Quand il retourne enfin à la cathédrale, Quasimodo sent que sa vie vient de prendre un tournant. Il ne sait pas encore de

quelle manière, mais il sait que rien ne sera plus jamais pareil. Cette rencontre a allumé en lui une étincelle, une lueur d'espoir qu'il n'avait jamais ressentie auparavant.

Claude Frollo, lui, est retourné dans sa chambre, l'esprit en ébullition. La rencontre avec Esmeralda l'a profondément troublé. Il se sait en danger, mais il ne parvient pas à se détourner de ce qu'il ressent. Les paroles de l'ange résonnent plus fort que jamais dans son esprit : « Fais le bien, quelles que soient les souffrances que cela t'impose. »

Mais comment résister à une tentation si belle, si pure ? Comment faire le bien quand le mal semble se déguiser sous les traits de l'innocence ?

Ainsi, les destins de Claude Frollo, Quasimodo et Esmeralda continuent de se tisser, chacun pris dans un tourbillon d'émotions et de choix qui les mènera sur des chemins qu'ils n'auraient jamais imaginés.

Notre Dame de Paris une nouvelle chanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant