78 - Sarah

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Je roule depuis plusieurs heures maintenant. Le jour sera à peine levé lorsque j'arriverai à Atlanta. Mes affaires consciencieusement rangées dans le coffre, j'ai laissé en évidence mon précieux matériel de guerre. Toute aide sera la bienvenue au regard de mon état, surtout si cela chauffe trop là-bas.

Cela fait un moment maintenant que je me suis préparée à la mort de David, Emily et de ma petite Sarah. Trop de temps s'est écoulé pour que les choses puissent en être autrement. J'espère simplement pouvoir les apercevoir en ville, et pourquoi pas réunis au côté de mon motard.

-On peut rêver, me dis-je à voix haute. Les sons qui sortent de ma gorge sont rauques. C'est vrai que je n'ai pas vraiment eu l'occasion de faire la causette ces derniers temps. Je me surprends quelquefois à chantonner pour Louise. Bien que j'ignore réellement le sexe de notre enfant, je me suis imaginée que Daryl et moi attendions une fille. Pourquoi ? Sûrement pour venir apaiser ma douleur d'avoir perdu d'abord Schelley puis la fille de David et Emily.

Je m'étais habituée au silence depuis mon départ de la prison, hormis les quelques oiseaux venant déchirer de temps à autre la quiétude des lieux par leurs chants mélodieux. Mais c'est une autre histoire lorsque je me rapproche de la ville. Le bruit d'abord assourdi qui parvient à mes oreilles se transforme au fur et à mesure en une litanie constante et parfaitement audible.

Ainsi j'avais raison. Je réalise que le peu de morts que j'ai croisés durant ces 7 derniers mois me donnent un avant-goût de ce qui m'attend. J'ignore comment Daryl s'y ait pris, mais il a su réunir quasiment tous les marcheurs du comté. Et cela, ce n'est pas vraiment une bonne nouvelle pour moi.

Je tente de me convaincre que je ne crains rien avec mon immunité, je ne parviens pas à refouler le malaise qui ne cesse de grandir dans ma gorge.

Je roule lentement durant de longues minutes dans les avenues les plus proches du centre. Le paysage qui s'offre sous mes yeux est digne d'un spectacle macabre : des centaines et des centaines de masse informe recouvrent la chaussée. Les bras se lèvent au son du moteur et les têtes se tournent en ma direction. L'expression de leur regard m'interroge lorsque je passe devant eux. Je m'étais largement habituée à être invisible des morts depuis que j'avais guéri de la morsure de Schelley. Pourtant aujourd'hui, un drôle de pressentiment m'amène à croire que ce n'est plus le cas. Est-ce moi qui suis en train de m'inquiéter inutilement, par un instinct de surprotection vis-à-vis de la vie qui grandit en moi, ou bien est-ce vraiment le signal de prochaines complications ? Si ma grossesse me rend d'une certaine façon beaucoup plus appétissante pour eux, alors je suis littéralement en train de me jeter dans la gueule du loup.

Le malaise finit par prendre le dessus. Oh que non, je ne rêve pas. Je vois certains morts se relever et me suivre péniblement à l'arrière du 4X4. Le mimétisme finit par toucher même les plus amochés. Les corps rampent, d'autres gesticulent, réclamant leur part du butin et la litanie a laissé la place à un chant mortuaire comme s'ils annonçaient ma mort prochaine. Le souffle court, je vérifie mon attirail. Il ne faut pas que je traine ici, je ne suis pas la bienvenue. Pas si je veux rester en vie.

Si Daryl est encore à Atlanta, il a certainement élu domicile près du Centennial Park, pour trouver le calme de la verdure et garder un œil sur sa nouvelle famille. En tout cas, si j'étais lui, c'est ce que je ferai. J'espère sincèrement ne pas me tromper. Car il n'y a pas seulement ma vie en jeu mais également celle de mon enfant. Notre enfant, Daryl ...

Le centre n'est plus très loin. Je cherche du regard la précieuse silhouette du motard. Un cri sur la gauche vient détourner mon attention. Je pile aussitôt. Des petits doigts d'enfant se plaquent contre le bas de ma vitre. Les ongles noirs et la peau décharnée ne me laissent aucun doute. C'est bien la main d'un petit mort qui cherche à s'agripper à la portière. Avec précaution, je baisse lentement ma vitre pour regarder au dehors. La main a disparu. Et l'enfant avec.

Live Die Love - TOME 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant