Live Die Love - TOME 3

66 - Des morts comme royaume

Je m'arrête à une centaine de mètres. Je ne tiens plus. Il faut que je le sente près de moi.

-Daryl ?

Je reçois un étrange grognement pour toute réponse.

M'en fiche.

-Daryl ...

Je me place à quelques centimètres face à lui et observe son visage. Mes mains touchent délicatement ses joues. Daryl montre un léger mouvement de recul. Je ne me laisse pas décourager pour autant et me rapproche de nouveau.

-Daryl, je sais que tu m'entends et que tu me comprends. Laisse-moi faire, tu sais que je ne crains rien avec toi.

Je sens qu'il a conscience de son état mais je n'arrive pas à savoir le sentiment que cela lui procure.

Mes doigts touchent à nouveau sa peau puis caressent lentement son visage. Mes yeux n'ont pas quitté les siens. Ce qui nous unissait est toujours là. J'en ai l'intime conviction bien que je ne puisse me l'expliquer.

Je m'approche encore jusqu'à ce que mes lèvres touchent les siennes tout en douceur. La lumière du jour me rend davantage timide que dans le cachot. Mes baisers sont plus doux, plus posés. J'entends à nouveau la même plainte qui émerge du fond de sa gorge. C'est bon et effrayant à la fois. C'est maintenant son visage qui se rapproche du mien, ses bras cherchant à m'enlacer et ses lèvres à se poser sur ma bouche. Je le laisse faire. Je suis à la fois transie par le bonheur que je ressens d'être dans ses bras et par ma stupéfaction de ce que je vis à cet instant. Je suis clairement incapable d'accepter le fait qu'il soit mort.

Mais ce bonheur n'est que de courte durée. Des grognements arrivent vers nous.

Je me décale légèrement du corps de Daryl pour regarder vers les bâtisses que nous venons de quitter. Je n'en crois pas mes yeux ... La horde en sang se dirige tranquillement vers nous. L'attitude des marcheurs est loin d'être menaçante, mais semble plutôt appliquée. Des milliers et des milliers de corps se suivent paisiblement. Les premiers d'entre eux arrivent à notre hauteur puis s'arrêtent. Ils semblent attendre quelque chose. Ils ont tous le regard tourné vers une seule personne : Daryl ...

Ce que je commence à comprendre ne me plait pas du tout. J'ai besoin d'en avoir le cœur net.

Je reprends Daryl par la main et nous avançons de quelques mètres, cherchant à nous éloigner des marcheurs.

En me retournant, j'assiste à la scène que j'espérais tant ne pas voir. Malheureusement, les morts ont lentement repris leur marche pour s'avancer en notre direction et s'arrêter à nouveau à notre hauteur.

Tout s'arrête pour moi à cet instant. Mon corps se met à trembler. Je viens me plaquer contre le torse de Daryl comme unique refuge pour ne pas sombrer tout à fait.

Les sons des morts poursuivent leur litanie funèbre tel un chant macabre durant une cérémonie d'adieu. Mon cœur est comme coupé en deux. D'un côté, je voudrais rester jusqu'à la fin de mes jours auprès de celui que j'aime, qu'il soit mort ou vivant. Et de l'autre, je sais que cela est impossible et que je dois le quitter. La dernière scène que je viens de voir ne m'en laisse plus le choix.