Live Die Love - TOME 3

80 - Le temps passe

-Maman, maman, je sais c'que je veux être quand j'serai grand ! Je veux êt' motard !

J'attrape le petit être qui gigote dans tous les sens pour l'emprisonner doucement dans mes bras. Ma prise est de courte durée avant qu'un petit sauvage ne s'en dégage.

-Aucun doute, c'est bien le fils de son père, me dis-je intérieurement.

Les mêmes cheveux en désordre, la même mine boudeuse, le même rire perçant et ... le même regard bleu azur. Daryl Junior n'a pas hérité uniquement du physique de son père mais également ... de son caractère bien trempé. Je suis souvent obligée de baisser les armes, tellement il me tient tête. Qu'importe ... Je prends tout le bonheur que je peux prendre. Et cela, depuis 5 ans.

D.J grandit à vue d'œil. Je me souviens pourtant comme si c'était hier du jour où il est né. Et du soulagement dans le regard d'Herschel lorsqu'il a posé sur mon ventre fatigué un petit corps vif et en parfaite santé. Le temps passe tellement vite ... Et la vie à la prison ou ce qu'il en reste est devenue bien douce depuis.

La colonie n'a cessé de grandir durant toutes ces années. Rick en est devenu le maire et j'ai repris mon travail, celui que j'occupais avant que tout cela ne se produise. Je suis dorénavant l'institutrice de toute une école allant des bambins de quelques années aux lycéens. Heureusement que Beth me seconde parfaitement. Rick a tenu absolument à ce que je sois également sa conseillère principale à la mairie. Je m'y suis pliée de bonne grâce au départ, davantage pour lui faire plaisir que par vocation. Mais contre toute attente, cela me plait aujourd'hui. Si j'ai déposé mes lames bien sagement au fond de mes tiroirs, j'ai conservé mon sens pratique et mon tempérament de feu, ce qui a été, je dois bien le reconnaitre, bien utile lors que nous avons décidé de reconstruire une véritable ville depuis le cœur de la prison. Rick a tenu à lui donner le nom de Dixon City, en hommage à son héros ... et au mien.

Malgré le temps qui passe, l'amour que j'ai pour mon motard est resté intact. A aucun moment, je n'ai laissé un autre homme rentrer dans ma vie. Je suis d'ailleurs l'une des rares femmes de la colonie à ne pas m'être mariée. Il y a d'abord eu Glenn et Maggie, puis Rick et Michonne, puis tellement d'autres, comme si l'amour avait refleuri autant que la paix autour de nous. Mais de mon côté, je tiens à rester fidèle à celui que j'ai aimé. Même s'il ne partage plus ma vie depuis bien longtemps. -Et puis, de toute façon, me dis-je, mon fils m'occupe suffisamment !

-Tu viens, D.J ! On y va.

Je reçois pour toute réponse un large soupir, accompagné d'une petite main qui vient se blottir dans la mienne.

-Pourquoi faut aller à l'école, maman ? me demande-t-il désespéré.

-Parce que c'est important. Pour pouvoir faire les bons choix plus tard, lui réponds-je avec conviction. Aujourd'hui, mon cœur, nous allons parler du libre-arbitre.

-Du quoi ... ? me demande-t-il, la mine perplexe.

-Ce sont toutes les décisions que l'on prend. Comme le fait par exemple de vouloir être un jour motard ... Mon clin d'œil produisant son effet, c'est un magnifique sourire qui remplit son visage.

Oui, la vie peut être belle. J'en arrive parfois à oublier toutes les atrocités que nous avons tous connues. Les morts ont déserté les alentours depuis bien longtemps maintenant. Certains de nos éclaireurs rapportent que les villes des environs ont été nettoyées il y a des mois. Même Atlanta n'a pas échappé à la règle, d'après ceux qui s'y sont rendus dernièrement. J'aurais aimé pouvoir le voir par moi-même mais je n'ai pas pu. Le courage m'a manqué. Ou bien le trop-plein d'amour qui continue à se déverser dans mes veines.

Chaque soir, après avoir couché notre fils, je viens me poster sur la tour de guet, mon regard perdu au loin en direction de l'ancien royaume du chef des morts. Je cherche son chant mais ne reçois que son silence.

Pourtant au petit matin, je garde dans mon cœur chaque instant passé à ses côtés et je me souviens de la douceur du regard du motard lorsque sa main s'est posée sur mon ventre rebondi. C'est ce souvenir que je préserve jalousement contre tout ce qui pourrait lui nuire. Et je me concentre sur mon fils. Son rire suffit à panser mes blessures. Daryl n'est pas mort. Il vit à travers ce petit être, jour après jour.

D'un pas léger, nous nous dirigeons vers l'école. Je lui vole quelques baisers pendant qu'il se débat en riant. Cette fois, plus aucune sirène ne viendra me voler mon bonheur.