58 Ils arrivent

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Il fait nuit depuis plus de 2 heures et nos éclaireurs ne sont pas rentrés.

Dans la salle du conseil, la tension est plus que palpable. Au moment où Rick s'apprête à parler, Daryl rentre en trombe :
- Ils sont pas dans le coin, j'ai rien trouvé...

- Que toutes les familles restent bien dans les blocs, déclare Rick. On va renforcer la surveillance pour les prochaines heures. Ça m'étonnerait qu'ils attaquent cette nuit mais tenez-vous prêt, on ne sait jamais.

- Glenn, Maggie et Carole, vous surveillerez la partie ouest, Harvey, Tyreese et Sacha le nord et Daryl et Kate l'est.
Je reste près de l'entrée avec Herschel et Michonne.
Au moindre mouvement, donnez l'alarme. Nos gars sont prêts.

- Il est temps qu'il se passe quelque chose, fait remarquer Carole. Tout le monde n'en peut plus d'attendre.

- Ce n'est pas si sûr, nous avons beau nous être préparés, nous ne savons pas à quoi nous attendre, fait remarquer Herschel.

Rick essaie de se montrer confiant.
- Tout ira bien, assure-t-il. Je ne laisserai personne s'en prendre à notre groupe. Et à notre colonie. Ici c'est chez nous. Nous avons le droit d'y vivre librement.

- Ce qui en soi dans une prison offre un nouveau regard sur la liberté, j'annonce, moqueuse.

Devant le silence général, j'ajoute :
- Ce que je veux dire, c'est que nous avons choisi cet endroit. La liberté est un état d'esprit, où que nous nous trouvions. La victoire l'est également. Ensemble nous sommes forts et c'est ensemble que nous défendrons cet endroit...

Je sens Rick soulagé par mes propos. Ma boutade n'était pas innocente : étonner pour mieux convaincre ensuite. Et insuffler à tous le courage dont nous aurons besoin.

- Allez, chacun à son poste, la nuit va être longue ! Lance Rick fermement.

Sans un mot, j'emboite le pas de Daryl qui avance rapidement vers le bâtiment B. La passerelle est domine toutes les collines que nous avons minées.

Une fois en haut, le motard se retourne pour me dire :
- Reste là. Je vais me poser à l'autre bout. On couvrira un plus grand périmètre.

Sans me laisser rétorquer, je le vois s'éloigner d'un pas décidé.
Le contraire m'aurait étonnée. Je vois bien qu'il est gêné. Et je le suis tout autant. Je l'ai bien cherché mais pour une fois depuis bien longtemps je ne regrette pas mon geste.

Je ressens quelque chose pour cette tête de cochon. Il était temps que je l'accepte. Et il est temps pour lui aussi.

Je laisse mes interrogations de côté pour mieux me concentrer sur ce qu'il nous attend au petit matin.

Car l'attaque n'est pas pour cette nuit, j'en suis convaincue. Les sauveurs aiment le spectacle, d'après ce que j'ai entendu. Ils attendront qu'ils fassent jour pour se manifester.

Adossée contre la paroi de la passerelle, je laisse mon regard se porter sur les immenses étendues sombres qui s'offrent à moi. Le vent se lève. Des frissons parcourent mon corps mais je refuse de bouger. Mon esprit part, oscillant entre l'écoute du moindre bruit et le souvenir des lèvres du chasseur sur les miennes.

Six heures se sont écoulées. Ce n'est pas encore l'aube mais l'on commence à distinguer les arbres sur les collines. Le vent souffle toujours.

Bien qu'à demi consciente, je suis prête à tirer ou à sonner l'alarme à tout moment si le moindre geste me semble suspect.

Mes sens reprennent le dessus de la léthargie dans laquelle j'étais plongée.
Un son diffus attire mon attention. J'avais d'abord cru au bruit du vent mais j'avais tort. En prêtant davantage l'oreille, j'entends comme une sorte de litanie.

Je rejoins Daryl qui semble ne pas avoir bougé d'un pouce depuis hier soir.

- Daryl, tu entends ça ?

- Quoi ?

- Écoute... Ça ressemble à un chant...

Les sourcils froncés, ses yeux graves plongent dans les miens.
Je sors les jumelles. Je ne suis pas sûre de distinguer quelque chose mais cela ne fait rien. Il faut qu'on sache.

Après quelques minutes à scruter au loin, j'aperçois du mouvement : les collines semblent onduler comme une mer dansante.

- Tu vois quelque chose ? Me demande Daryl.

- Tiens, regarde, en lui tendant les jumelles.

Le bruit s'est intensifié. J'ai peur de comprendre.

Daryl couvre l'horizon de gauche à droite. Je vois ses muscles se durcir sous la rage que lui inspire la vue sur les collines.

Ma gorge se noue.
- C'est ce que je pense, n'est-ce pas ?

- On n'est pas assez armés pour ça... Répond Daryl. Je vais chercher Rick...

- Daryl ?

Je me place à quelques centimètres de lui.

- Sois prudent tout à l'heure. Quoi qu'il arrive. Je... Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, tu comprends...

Ses yeux s'ancrent dans les miens. La glace couvre le feu.
Son visage se rapproche encore du mien.

- Toi, sois prudente. T'essaies toujours de sauver tout le monde... Alors fais pas de connerie, ok !

Il m'engueulerait presque mais je sais que c'est loin d'être le cas. En se montrant dur, c'est sa façon de se protéger et de cacher ses sentiments. Je le sais maintenant. Le baiser d'hier est venu répondre à ce que nous attendions tous les deux.

- Moi aussi, je veux rien qu'il t'arrive, Kate...

Sa voix rauque s'éteint dans un souffle mais son regard ne quitte pas le mien.
La survie de la colonie ne nous permet pas de faire durer ce moment. Ce ne sont pas nos lèvres mais nos yeux qui s'embrassent durant les quelques secondes que nous volons au destin. Rien n'est dit. Tout est dit...

Puis Daryl rejoint rapidement les escaliers. Je l'observe jusqu'à ce qu'il disparaisse de mon champ de vision. C'est peut-être le dernier moment que tu passons ensemble.

J'ajuste à nouveau les jumelles. Ce que je vois est bien pire que ce je m'étais imaginé.

Live Die Love - TOME 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant