XI. Une nausée visqueuse

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Jordan s'était enlisé dans le désespoir. Ses démons avaient repris le dessus sur lui.

La rancoeur du passé, la peur et la colère avaient pris une place telle qu'il avait dû se résoudre à prendre cette décision radicale.

Il n'avait plus supporté d'attendre Gabriel.

Il n'avait plus supporté de penser à lui.

Il n'avait plus supporté le manque.

Alors, comme pour effacer l'impact que son départ avait eu sur lui, il s'était résolu à lui envoyer cet ultime message.

*

Je marche dans un long couloir.

A chaque pas, le bruit se fait plus fort, plus intense, plus enveloppant.

La clameur d'une foule...

Il est là. J'avance vers lui, mais...

La foule m'appelle...

Je passe à côté de lui, je voudrais l'emmener avec moi...

Il ne me regarde plus...
Il s'efface...
Il s'estompe...

Au bout du couloir, j'ouvre une porte... Ils sont tous là...

Ils m'acclament, scandent mon nom.

Tandis que je les salue, je le vois au loin... Il disparait dans la cohue...

J'essaie de le suivre, mais la foule est trop dense et m'empêche d'y aller...

Jordan...!

*

A son réveil, le cauchemar s'estompa si vite qu'il ne laissa aucun souvenir conscient dans l'esprit de Gabriel. En revanche, il lui resta une impression de malaise, une nausée visqueuse qui glissait dans sa gorge.

Il ne le savait pas encore, mais il s'avéra que ce dégoût ne le quitterait plus pendant des jours.

Désespéré, il contacta à nouveau Marine Le Pen, seule personne à qui il pouvait se confier vraiment sur sa tristesse. Il lui raconta le message reçu la veille.

Elle l'écouta avec peine, et l'assura de contacter Jordan de son côté pour en échanger avec lui.

Une dure semaine attendait Gabriel, qui devait partir en fin de matinée en province, pour y rencontrer le maire d'une petite ville. Il dormirait sur place avec son équipe avant de reprendre la route dès le lendemain matin vers une autre destination, avec le même objectif.

Il se prépara machinalement, l'exaltation ressentie à son arrivée était déjà loin derrière lui. Ses yeux étaient bouffis et cernés, son corps courbaturé. Devant le miroir, il s'entraîna à sourire, mais son regard restait sombre et éteint malgré ses efforts.

Il partit rejoindre Damien, Yanis et Constance, qui devaient l'accompagner pendant ces deux journées. Dans la voiture, il hésita à adresser un message à Jordan ; une tentative désespérée de lui demander de revenir sur sa décision, mais il se résigna.

"C'est son choix...", pensa t'il avec amertume.

Il envisagea de tout abandonner, d'aller le retrouver, mais il savait que cette solution n'en était pas une, car alors il se serait perdu lui même.

Ses pensées étaient ailleurs ; néanmoins il devait absolument faire bonne figure et ne rien laisser paraître.

C'est le coeur lourd qu'il retrouva ses trois acolytes devant le Palais de l'Elysée, où un autre chauffeur les attendait pour les conduire au rendez-vous, à plus de deux heures de route de là.

- "Tout va bien Gabriel?", demanda Constance.
"Tu as mauvaise mine"

-"Tout va bien, ne t'en fais pas. Je suis simplement un peu stressé"

Dans le véhicule, les quatre collègues finirent de préparer l'intervention, et prirent également le temps d'échanger sur des aspects plus personnels. Damien et Constance étaient tous les deux forts sympathiques, ils avaient de la conversation et n'étaient pas dénués d'humour et de légèreté. Yanis se montrait plus discret, mais néanmoins fort cultivé et aimable.

Nul doute que ce voyage aurait pû être un moment agréable si Gabriel n'avait pas vécu en cet instant une tempête intérieure qui le détruisait doucement.

Durant tout le trajet, il lutta douloureusement contre ses émotions. Il se racla la gorge pour tenter vainement d'en chasser le haut le coeur qui s'y était niché.

C'est à ce moment là qu'il reçut un message de Marine Le Pen :

"Gabriel,
je suis désolée,
Jordan a besoin de tourner la page.
Je veillerai sur lui"

Ce fut comme si un couteau brûlant se plantait dans son échine. Cela sonna comme un terrible rappel à la réalité, si tant est qu'il en avait besoin.

Il en fut si perturbé, que pendant le reste du trajet, il ne remarqua pas le regard insistant de Damien, qui ne quittait pas des yeux son visage ; se promenant allègrement de ses pupilles à ses lèvres, en en détaillant chaque centimètre.

[Bardella et Attal] Plaisirs interdits (🔞🍋) - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant