XIV. Un sourire de façade

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Trois mois plus tard...

Trois mois venaient de s'écouler.

Trois mois d'une course à un rythme effréné ; une campagne ponctuée d'interminables et nombreux déplacements, à la rencontre des Français, des maires et des représentants régionaux du parti.

Gabriel Attal enchaînait les réunions, les bains de foule, les discours, et travaillait avec acharnement sur sa communication et son image.

Ce matin là, Constance entra dans son bureau une bouteille de champagne à la main.

-"Salut ! Tu devrais faire venir Yanis et Damien, j'ai une bonne nouvelle", annonça t'elle les yeux pétillants.

Gabriel comprit bien vite ce qui devait la réjouir ainsi, et s'en trouva heureux lui aussi.

Il appela ses deux collègues et leur demanda de se rendre dans son bureau.
Constance se tenait debout, trépignant comme une enfant impatiente. Gabriel la regardait, partagé entre amusement et tendresse.

- "Patience, ils arrivent...!", dit il en souriant.

Cinq minutes plus tard, ils franchirent le seuil du bureau, l'air interrogateur.

Immédiatement, Constance s'exclama, d'une voix chargée d'excitation :

- "Ça y'est, on les a ! Les 500 signatures, Gabriel ! Tu es officiellement candidat aux présidentielles !".

Elle se jeta sur lui et lui colla en riant un affectueux baiser sur la joue.

-"Super !", clamèrent en choeur Damien et Yanis.

Constance fit sauter le bouchon de champagne et les quatre trinquèrent, les bulles pétillant dans leurs verres.

- "Au futur président !"

Pourtant, derrière ce succès apparent, une autre réalité se jouait.

Gabriel affichait un sourire de façade.

Depuis trois mois, il subissait au quotidien l'insistance de Damien, ses gestes déplacés, ses allusions. Il fuyait autant que possible les moments où il risquait de se retrouver seul avec lui. Malheureusement, du fait des nombreux déplacements qu'ils avaient à faire ensemble, il s'était, malgré ses précautions, trop souvent retrouvé à devoir subir une proximité à laquelle il ne pouvait se dérober.

La veille encore, lors d'une énième tentative de rapprochement éconduite par Gabriel, Damien lui avait soufflé à l'oreille :

-"Tôt ou tard, Gabriel, tu t'offriras à moi..."

Un frisson de dégoût et de peur avait parcouru Gabriel, qui s'était échappé sans un mot.

Il savait qu'il n'était qu'un trophée dont Damien voulait se vanter. Et que, plus il lui résistait, plus Damien était excité, tel un prédateur reniflant l'odeur du sang d'une proie qui se débat. Il se nourrissait du malaise et du dégoût qu'il suscitait.

Gabriel se sentait enlisé dans cette situation qu'il ne maîtrisait plus, et, tellement transi de honte, qu'il n'avait osé en parler à personne.

Il subissait en silence. Il subissait seul.

*

Ce jour là, après avoir célébré l'officialisation de sa candidature, Gabriel devait se rendre, en compagnie de Yanis et de Damien, à une journée de commémoration de l'amitié et de la coopération entre la France et l'Allemagne. Il allait y assister aux discours officiels du Président de la République et de représentants du gouvernement allemand.

Gabriel leva les yeux au ciel et souffla à l'idée de devoir encore partager des moments de proximité avec Damien, dont il savait qu'il tenterait encore, avec une insistance toujours plus déplacée, de le posséder, physiquement et psychologiquement.

Une boule d'angoisse s'installa dans son ventre ; une sensation qu'il n'avait malheureusement que trop souvent ressentie ces dernières semaines.

A l'occasion de cette cérémonie, il devait redoubler de vigilance quant à son image, car il savait que de nombreux journalistes seraient présents, ainsi que plusieurs représentants des partis politiques adverses, et donc, en cette période de campagne électorale, la plupart de ses adversaires directs.

Un espace était réservé pour les personnalités publiques.

Dans la voiture, comme à chaque fois, Gabriel avait dû subir les doigts de Damien que l'homme faisait glisser nonchalamment sur sa propre cuisse, en veillant bien à ce que le dessus de ses phalanges frôle au passage la jambe de Gabriel, assis encore une fois à ses côtés.

Leurs regards se croisèrent dans le rétroviseur. Gabriel remarqua un sourire pervers de satisfaction apparaître sur le visage de Damien, qui continuait sa caresse malsaine en le regardant dans les yeux.

Les trois hommes arrivèrent en début d'après midi. Les caméras de télévision étaient déjà braquées sur lui lorsqu'il sorti du véhicule, escorté de ses deux acolytes. Il salua les journalistes en tentant de se montrer aussi avenant et souriant que possible. Il tentait de ne rien laisser paraitre de l'état de nervosité dans lequel il se trouvait en raison de la tension qui avait régné entre Damien et lui pendant tout le trajet.

Lorsque Gabriel rejoignit l'espace réservé, il remarqua immédiatement plusieurs représentants de partis politiques rivaux, qu'il alla saluer, protocole oblige.

De loin, il reconnut Marine Le Pen, souriante ; mais lorsqu'il s'approcha d'elle, il fut surpris de remarquer un voile de gêne assombrir son visage. Elle détourna les yeux, fuyant son regard. Il lui adressa un air interrogateur, ne comprenant pas pourquoi elle semblait si mal à l'aise.

C'est alors que son regard glissa sur le côté et se posa sur une silhouette familière, que, bien qu'elle lui tournât le dos, il reconnut immédiatement.

Lorsqu'elle pivota, la silhouette lui parut se mouvoir au ralenti. Les yeux de Gabriel purent enfin se poser sur ce profil doux et régulier, qu'il connaissait si bien.

La foule alentours disparu de sa vision, et il ne vit plus que lui.

Un silence pesant emplit ses oreilles et effaça tous les bruits, comme si une toile de coton l'avait englouti.

Il n'entendait plus que son propre coeur ; son battement qui tambourinait dans sa poitrine, jusqu'à sa gorge.

Plus rien d'autre n'existait que cette silhouette grande et élancée sur laquelle son regard s'était posé, et dont il était incapable de se détacher, comme hypnotisé.

Gabriel aperçut alors Marine donner à l'homme un léger coup de coude, et lorsque il tourna complètement la tête vers Gabriel et que leurs regards se croisèrent, le temps s'arrêta.

Il n'y avait plus qu'eux, deux moitiés d'âmes qui se retrouvaient après un long voyage, attirées l'une vers l'autre, inexorablement.

Jordan...

[Bardella et Attal] Plaisirs interdits (🔞🍋) - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant