XVIII. Confiance partagée

365 19 31
                                    

Trois mois plus tôt...

Cela faisait trois jours que Gabriel était parti.

Chaque nuit était pire que la précédente. Jordan ne pouvait plus fermer les yeux sans craindre de voir surgir derrière ses paupières fermées ses frayeurs d'enfant, transformées en terreurs d'adulte.

Il ne pouvait plus fermer les yeux, car il savait qu'en les ouvrant, il ne verrait que l'absence, le vide que le départ de Gabriel avait laissé. Sa chaleur apaisante n'était plus là pour le ramener à la réalité, pour effacer ses peurs et lui rappeler que le bonheur existe. Sans Gabriel, la réalité était devenue pire que ses cauchemars.

Cela faisait trois jours que ses tourments ne l'avaient plus quitté ; un mélange de souvenirs réels, et d'angoisses immatérielles.

Pendant son coma, il avait voyagé dans les limbes oniriques, où la frontière entre les rêves et la réalité n'existe plus ; où les cauchemars sont la seule vérité.

Ses peurs d'enfants étaient revenues du plus profond de lui, de cet endroit où l'on se ment à soi même ; ce grenier obscur qui abrite tout ce que l'on voudrait oublier, mais que l'on ne peut effacer. Les fantômes s'étaient échappé de leur cachette et poursuivaient désormais Jordan, se nourrissant de la peur et de la colère qu'ils suscitaient en lui.

La veille, ses terreurs avaient mis la main sur la sienne, et, dans une étreinte vaporeuse, l'avaient empêché de décrocher son téléphone sur lequel le nom de Gabriel s'était inscrit.

Il n'arrivait plus à faire semblant, et entendre sa voix lui rappelait à chaque seconde la distance qui les séparait, son absence, et ce vide, qui laissait la place à ce qu'il y avait en lui de plus sombre.

Vers deux heures du matin, Jordan s'était connecté sur les réseaux pour y assister en direct au discours d'officialisation de la candidature de Gabriel.

Dans l'écran, il avait regardé l'homme, et été frappé par son élégance ; vêtu de son costume, une main dans la poche, il s'exprimait avec cette aisance, cette fluidité de langage que Jordan lui avait toujours envié.

Mais Gabriel était parti en emportant avec lui son rayonnement lumineux, et désormais plus rien ne protégeait Jordan de sa propre noirceur.

Dans l'instant qui avait suivi la fin de la conférence de presse, le téléphone de Jordan avait sonné :

"Je t'en prie, donne moi des nouvelles Jordan, tu me manques..."

Son coeur s'était serré, et il avait passé le reste de la nuit à rédiger le long message qu'il enverrait à Gabriel.

Ce message allait, pensait-il, lui permettre de tourner la page de ce vide qui grandissait chaque jour. Il avait cru qu'en supprimant l'objet de son manque, il ne le ressentirait plus.

Tandis qu'il écrivait, son téléphone avait sonné.

- "Jordan, je te réveille ?"

-"Bonjour, Marine. Non, je ne dors pas"

- "Est ce que ça va, Jordan?", s'était inquiétée Marine Le Pen.

Jordan n'avait pû répondre que par un silence, sa gorge était nouée, et ses yeux s'étaient remplis des larmes qu'il contenait péniblement depuis des heures.

La question posée par Marine, emplie de gentillesse et de l'affection qu'elle lui portait, avait détruit en un instant sa tentative désespérée de garder le contrôle sur ses émotions.

- "Jordan...?"

-"Non, Marine, ça ne va pas", avait-il enfin répondu, la voix déformée par les sanglots.

Et pendant de longues minutes, il avait pleuré, libérant enfin son chagrin, que Marine avait accueilli avec toute la bienveillance dont elle était capable. Il avait déversé ses larmes dans son oreille attentive, et elle en fut si peinée que son propre coeur s'en était trouvé empli de tristesse.

Il lui avait raconté ses peurs d'enfant, les moqueries, la honte d'être qui il était, jusqu'à sa semi-mort horrifique, dont Gabriel était venu le délivrer.

Il lui avait parlé du vide, de la solitude et du silence, des ombres qui ne le quittaient plus depuis le départ de l'homme qu'il aimait.

Il lui avait confié la décision qu'il avait prise, le message rédigé, et son intention de changer rapidement de numéro de téléphone...

Marine l'avait écouté attentivement, et elle l'avait compris.

Le lendemain, elle avait appelé Gabriel pour l'informer de la décision de Jordan, et dans les semaines qui avaient suivi, elle l'avait régulièrement appelé pour s'enquérir de son état.

Elle l'avait vu sombrer chaque jour un peu plus, et s'était sentie si impuissante, qu'un jour de décembre, elle avait fait ses valises, pris le premier avion et était partie le retrouver.

Jordan l'avait accueilli empli d'émotion ; cette visite lui faisait le plus grand bien.

Marine s'était occupée de lui comme une mère ; elle l'avait nourri, avait remis en ordre la maison, lavé du linge, et, surtout, les deux amis avaient passé des heures à discuter. Jordan s'était confié sur sa souffrance, et Marine lui avait apporté tout le réconfort dont il avait besoin.

Petit à petit, le rire de Jordan s'était fait entendre à nouveau.

C'est lors d'un de ces moments de confiance partagée que Marine avait mis sur le tapis une idée qui lui trottait dans la tête depuis un moment :

-" Et si tu revenais en politique, Jordan Bardella ?"

Cette idée, d'abord accueillie par un refus catégorique, avait fini par faire son petit chemin dans le cœur de Jordan, qui, au fil des jours, avait envisagé qu'elle puisse être la meilleure des solutions.

Marine avait ravivé une flamme éteinte, et cette flamme n'avait cessé de grandir dans les jours qui suivirent.

-"Cela serait une excellente solution pour toi, mais aussi pour le RN, Jordan. Cela t'aiderait à reprendre goût à la vie... Tu as oublié l'importance que la politique a eu pour toi. Laisse lui la possibilité de te reconquerir....
Les gens ne t'ont pas oublié, tu as toutes tes chances si tu te présentes aux présidentielles. Il est encore temps..."

Dans ses yeux avait brillé une lueur de défi lorsqu'elle avait ajouté :

"Tu serais face à Gabriel, Jordan. Comme autrefois. Deux rivaux, deux candidats qui luttent l'un contre l'autre devant la France entière"

Jordan hésita.

-"Comment effacer dans le souvenir des Français le scandale Bompiez ? J'ai eu si honte, Marine, tellement honte..."

-"J'ai ma petite idée là dessus. Nous en reparlerons à ton retour en France. Tu rentres avec moi ?"

C'est ainsi que, deux jours plus tard, en toute discrétion, Jordan était de retour sur sa terre natale.

[Bardella et Attal] Plaisirs interdits (🔞🍋) - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant