Chapitre 34

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Le Jeu Final

La pluie tombait drue sur les pavés de Londres, transformant les rues en miroirs sombres et luisants. Sous ce voile d'eau, la ville semblait s'étirer, se distordre, comme un reflet mouvant dans une marre agitée. Sherlock Holmes, vêtu de son long manteau, arpentait les trottoirs, le regard dur, le visage crispé par la tension. À ses côtés, Émilie avançait en silence, son esprit tourmenté par une myriade de pensées sombres.

Depuis des jours, Moriarty s'était employé à éroder la réputation de Sherlock, tissant autour de lui un réseau complexe de mensonges et de tromperies. Chaque article de presse, chaque murmure dans les couloirs de Scotland Yard, chaque regard suspicieux dans la rue semblait confirmer la chute inévitable du détective. Les preuves de ses supposées fraudes étaient si bien orchestrées qu'elles laissaient peu de place au doute. Et pourtant, c'était bien là toute la puissance de Moriarty : faire vaciller même les esprits les plus aguerris.

Sherlock s'arrêta soudainement, ses yeux d'acier scrutant l'obscurité comme s'il tentait de percer les secrets cachés derrière ce rideau de pluie.
— Moriarty a prévu chaque étape, chaque détail. Il veut que je doute de moi-même, que je perde pied, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour Émilie.

Elle l'observa, décelant dans ses traits les signes d'une fatigue nouvelle. Ce n'était pas simplement l'usure physique, mais une fatigue psychologique, un épuisement qui s'insinuait lentement dans son esprit.
— Vous ne devez pas le laisser vous atteindre, Sherlock, répondit-elle avec douceur, mais une ombre de doute assombrissait ses propres paroles. Moriarty se nourrit de nos faiblesses, mais nous avons des forces qu'il ne connaît peut-être pas.

Sherlock tourna son regard vers elle, ses yeux la scrutant comme s'il cherchait à déceler quelque chose qu'il n'avait pas encore compris.
— Parlez-moi de vos doutes, Émilie. Je vois que vous êtes aussi troublée.

Elle détourna le regard, fixant l'eau qui ruisselait le long de la rue.
— Je commence à me demander si je suis encore capable de discerner la vérité... Moriarty a un pouvoir sur l'esprit qui va au-delà du simple jeu d'échecs. Il manipule nos peurs les plus profondes, nos insécurités. Et moi... Sa voix se brisa légèrement. Je ne suis plus sûre de ce que je vois, de ce que je ressens.

Sherlock l'écouta en silence, conscient que les mots d'Émilie résonnaient avec une vérité qu'il préférait ignorer. Il savait que son adversaire ne se contentait pas d'affaiblir physiquement ses ennemis, il les sapait de l'intérieur, jouant avec leurs perceptions jusqu'à ce qu'ils doutent d'eux-mêmes.

Ils reprirent leur marche, en direction de Baker Street, où ils espéraient trouver un peu de répit, un instant de clarté pour réfléchir aux prochaines étapes. Cependant, en pénétrant dans l'appartement, ils furent accueillis par un silence oppressant, presque surnaturel. L'atmosphère semblait chargée d'une tension invisible, comme si quelque chose ou quelqu'un les observait.

Sherlock fit le tour de la pièce d'un regard perçant, remarquant immédiatement un détail qui n'était pas à sa place. Sur la table basse, une enveloppe reposait, seul élément étranger dans ce décor familier. Il s'en approcha lentement, comme s'il s'attendait à ce qu'elle explose au moindre contact. Il l'ouvrit avec précaution et en sortit une simple feuille de papier, sur laquelle étaient griffonnés quelques mots.

« Émilie, connais-tu vraiment celui à qui tu fais confiance ? Le jeu touche à sa fin, et je suis curieux de voir quel sera ton choix. »

Elle sentit son cœur se serrer en lisant les mots de Moriarty. Chaque lettre semblait chargée d'une menace implicite, d'une question qui la hantait depuis qu'elle avait mis les pieds dans cette affaire. Est-ce que Sherlock était celui qu'elle croyait connaître ? Ou Moriarty avait-il réussi à semer la graine du doute dans son esprit ?

Une colocataire improbableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant