31. Case départ

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Aurora Lombardi 


"Le poids d'un secret obsède l'âme, jusqu'à ce qu'il devienne la clé de chaque pensée."


Cela fait un an.


Un an que j'ai quitté le terrain. Un an que je me lève chaque matin, que je m'habille, que je m'efforce d'être quelqu'un d'autre. Une femme normale, avec une vie normale. J'ai tout changé, ou du moins, j'ai essayé. Nouvelle ville, nouveau travail, même une nouvelle coupe de cheveux, comme si tout cela pouvait effacer ce que je ressens encore. Comme si en coupant mes cheveux, je pouvais couper ce lien invisible qui me retient à lui.

Je travaille maintenant derrière un bureau. C'est paisible, presque trop. Je trie des dossiers que personne ne veut rouvrir, des affaires classées. Pas de risques, pas de coups de feu, pas de courses-poursuites. Parfois, j'ai l'impression que je suis devenue une simple machine, un rouage de plus dans cette immense bureaucratie. Et c'est exactement ce que je voulais, non ? 

Oublier. Recommencer.

Je me suis convaincue pendant des mois que tourner la page définitivement était la bonne chose à faire, de m'éloigner du moindres souvenirs pouvant me relier à lui. Mes proches me félicitent de m'être remis sur pieds aussi vite. Même si ils ne savent pas que chaque jour, je pense à lui. Pas une journée ne passe sans que son visage n'apparaisse dans un coin de mon esprit. Pas une nuit sans que je rêve de sa chute, encore et encore. 

Ce n'est pas de la nostalgie. 

C'est une obsession plus que malsaine. 

Je suis devenue experte pour cacher ça. Les gens autour de moi me voient comme quelqu'un de stable, de sérieux. Ils croient que je me suis reconstruite. Je souris, je plaisante, j'accepte les invitations à déjeuner. Je fais tout ce qu'on attend de moi. Mais à l'intérieur, c'est différent. À l'intérieur, il est toujours là.

Alessandro

Je revois son regard la dernière fois que je l'ai vu. Ce regard qui m'a hantée, et qui continue de le faire. Ce soir-là, j'aurais dû lui dire ce que je ressentais, que nos différends auraient pu se conclure sur cette note d'amitié ou plus.

 Mais je ne l'ai pas fait. Et maintenant, il est parti, disparu, comme s'il n'avait jamais existé. Le rapport officiel parle d'une chute, d'une disparition probable. Mais pour moi, ce n'est pas suffisant. Ça ne l'a jamais été. 

Je ne l'ai jamais admis, pas même à mes anciens collègues, mais je n'ai pas vraiment lâché l'affaire. Comment pourrais-je ? Le dossier d'Alessandro, avec toutes les notes, les pistes inexplorées, les incohérences... je l'ai encore. Bien caché, hors de la vue de tous, comme un secret honteux. Et chaque soir, je le regarde. Je retourne chaque détail dans ma tête, je fais des connexions, je cherche des réponses. Même si je sais que cela ne m'apportera rien de bon.

Ils disent qu'il est mort. Mais comment le savoir avec certitude ? Aucun corps n'a été retrouvé. Et cette pensée tourne en boucle dans mon esprit : il pourrait encore être là, quelque part. Je le sens, au plus profond de moi.

Seattle, 06h30. 

La journée commence comme d'habitude. Mon réveil sonne à six heures trente, comme tous les matins. Je me lève mécaniquement, enfile ma tenue de bureau : un tailleur gris, sobre, passe-partout. Je ne prends même plus la peine de choisir mes vêtements avec soin. Cela fait longtemps que j'ai abandonné l'idée que ça importe vraiment. Je m'arrête devant le miroir du couloir. Mon visage est pâle, mes cheveux coupés courts encadrent mon regard vide. J'ai l'air en forme, mais je sais que c'est une illusion.

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