Sparks of Attraction

34. N'oublie jamais

Alice Sterling

"Le plus bel amour est celui qui éveille l'âme, et nous fait nous surpasser"

Le bureau est silencieux, comme souvent ces derniers temps. Le claquement monotone des touches de mon clavier rythme ma journée, entrecoupé seulement par le son discret de la ventilation. Les appels sont rares. Dans ce service de renseignement, il n'y a que des écrans et des dossiers, des visages flous de personnes que je ne rencontrerai jamais. Le terrain me manque, mais cette époque est révolue.

J'appuie sur la touche « enregistrer » et ferme le rapport que je viens de rédiger. Quelques clics de plus et il est envoyé à mes supérieurs. Ce travail est important, je le sais, mais il manque l'adrénaline des missions, ce frisson du danger imminent. Je suis prisonnière de ce bureau, reléguée à trier des informations comme une archiviste, alors que ma vraie place était sur le terrain. Mais ça, c'était avant que ma mémoire commence à vaciller.

Je me plonge dans les dossier suivant, rattraper un retard de deux semaines pour aller à une dédicace n'était peut-être pas la meilleure des options mais être entourée de personne pour partager ma passion s'est révélé encourageant et bénéfique pour moi.

Je repense à cet homme venu lors de ma dédicace de mon deuxième livre, il avait l'air si tourmenté de me voir, ces traits du visage me semblaient familiers et pourtant quand je creuse au plus profond de ma mémoire, seul le néant est présent. Il est seulement qu'un inconnu de plus dans mon esprit.

La perte de mémoire s'est insinuée peu à peu, comme un poison silencieux, un rappel cruel de ce que je ne peux plus accomplir. Chaque matin, je suis obligée de vérifier mentalement les souvenirs auxquels je peux encore me raccrocher, pour m'assurer qu'ils sont toujours là. J'ai dû adapter ma vie à ce rythme : je consigne chaque détail, j'aligne les faits, les noms, les visages. C'est devenu une routine, presque une obsession.

La fatigue me gagne rapidement, un poids qui ne cesse de s'alourdir. Un vertige m'envahit, et j'appuie une main sur le bureau pour ne pas perdre l'équilibre. Des voix lointaines dans le couloir murmurent, tandis que dans ma tête, tout se brouille.

Encore.

Quelques heures plus tard, je me trouve dans la salle d'attente de mon médecin spécialisé en neuropsychiatrie. Mon dossier médical est devenu une montagne de paperasse, et chaque rendez-vous ajoute un poids supplémentaire

Le médecin, le docteur Oka, finit par m'appeler. Sa voix douce tranche avec l'austérité de son bureau. Je m'installe en face de lui, ma jambe tressaute. Il ouvre mon dossier, feuilletant rapidement les rapports accumulés. Ce rituel est devenu presque familier, mais chaque nouvelle séance m'apporte son lot d'appréhensions. Il relève d'un doigt ses lunettes puis me fait face.

— Bonjour Alice, comment vous sentez-vous ces derniers temps ?

Je lisse machinalement un pli sur ma robe, hésitante sur ce que je vais lui dire.

La vérité ? Que mes souvenirs les plus récents s'effacent parfois comme des traces de craie sur un tableau ?

Que je me suis retrouvée, encore, au beau milieu d'un couloir de la NISA sans savoir ce que je faisais là ?

— Disons... disons que les choses sont plus complexes, docteur, murmuré-je, évitant son regard. Les oublis deviennent plus fréquents, et je perds parfois la notion de l'instant. Et puis, j'ai des douleurs, des migraines intenses, comme si mon esprit luttait contre lui-même.