36. Aloha hou Hawaii

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Aurora Lombardi


I ka hoa aloha, kōkua kekahi i kekahi 

( Dans l'amitié, aidez-vous les uns et autres )



Seattle a ses humeurs, comme moi. Je me perds dans les rues, dans les cafés, je déambule sans vraiment savoir où je vais. La ville est une énigme, avec ses recoins brumeux et ses bâtiments aux façades colorées, et pourtant je m'y sens chez moi. 

Parfois, je passe des heures au bord de l'eau, à regarder les ferries filer sur la baie. Les montagnes, au loin, sont enveloppées d'un voile gris, et ce mystère m'apaise presque. Chaque jour, je me laisse surprendre par une nouvelle rue, un nouveau bar, une petite boutique où des vinyles oubliés grésillent encore sous la poussière.

Malgré tout, quelque chose me retient, comme un poids qui refuse de disparaître. Ça fait des mois que je reçois ces appels masqués. Mon téléphone vibre, je décroche par automatisme, et il n'y a jamais rien, que du silence. Je me dis que ça finira par s'arrêter, que ce n'est rien. Pourtant, l'étrange sensation que quelqu'un surveille mes moindres gestes s'accroche, me suit comme une ombre qui refuse de s'effacer.

Je salue une dernière fois la serveuse de la taverne où je m'arrête un soir sur deux pour bouquiner en sirotant mon Twilight sleep. Ce sont ces petits plaisirs qui donnent du goût à ma nouvelle vie. Le crépitement du feu dans la cheminée, la lumière tamisée de la salle, et le sourire tranquille des restaurateurs me font me sentir à ma vrai place.

Mais ce soir, je rentre plus tôt que d'habitude. Je traverse les rues illuminées par les lampadaires et les vitrines des boutiques encore ouvertes, profitant de l'air frais.

En arrivant à mon appartement, je me débarrasse de mes chaussures à l'entrée et m'écroule sur le canapé bronze qui trône au centre de mon salon. Ce meuble imposant, avec ses reflets métalliques, est l'une des premières choses que j'ai achetées en arrivant ici. Il est devenu mon refuge, le lieu où je m'abandonne, un livre à la main ou simplement le regard perdu dans la pénombre.

Je ferme les yeux quelques secondes, savourant le silence qui emplit la pièce. Mais mon téléphone vibre soudain, m'arrachant à cette tranquillité. Cette fois-ci, ce n'est pas un appel masqué, c'est une notification. Un mail.

Je soupire, tentée de l'ignorer, ce quelque chose dans l'instant me pousse à vérifier. En déverrouillant l'écran, je vois le nom de l'expéditeur, et mon cœur rate un battement.

Pokerface

Ce nom de code que je n'ai pas vu depuis un an et demi.

Celui de Juan.

Une vague d'émotion m'envahit, un mélange de nostalgie et d'inquiétude. Je clique sur le mail, les mots dansant presque devant mes yeux :

"Aurora, je sais ce qu'Angelo a fait. Je connais chaque détail, du jour de l'accident à sa trahison envers la NISA. Ce qu'il nous a pris.. Ce qu'il a fait à Alessandro.. On doit obtenir justice".

Mes mains tremblent légèrement. Angelo. La trahison. Alessandro... Les souvenirs et la douleur remontent en un instant, mon coeur loupe un battement. Je relis le message plusieurs fois, m'accrochant à chaque mot. Juan sait. Il sait ce que je soupçonne depuis si longtemps, ce que j'ai cherché à ignorer en recommençant une nouvelle vie ici.

Sparks of AttractionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant