Chapitre 34 - L'ombre Silencieuse

22 1 0
                                    


??

Je les observe. Depuis des semaines. À distance, bien sûr. Une distance qui me protège... mais aussi les protège, eux. Enfin, surtout elle. Salvatore n'a aucune idée que je suis là, pas plus qu'il ne comprend à quel point il a de la chance.

Il ne mérite rien de ce qu'il a. Pas ce manoir, pas cette vie. Pas cette femme. Stella. Elle n'a aucune idée de ce qu'il est vraiment, de la bête qui dort sous cette peau d'homme. Je me demande... à quoi elle ressemblerait si elle découvrait tout ? La peur dans ses yeux. Ça doit être fascinant.

Je souris à cette pensée, un frisson glacé me traverse. Ils sont tellement ridicules ensemble, comme deux jouets que je pourrais briser d'un simple geste. Salvatore a toujours cru qu'il me surpassait. Qu'il pouvait me bannir et me laisser pourrir dans ce trou. Mais je suis là. Je l'ai toujours été. À l'ombre.
Il croit qu'il l'a protège, mais personne n'est à l'abri de moi. Pas même lui. Certainement pas elle.

Elle... Je l'ai observée plus que je ne veux l'admettre. Parfois, je me demande si je ne devrais pas juste m'approcher, juste une fois. La toucher. Rien qu'un instant. Pour voir si elle est aussi fragile que je l'imagine. Est-ce que sa peau se marquerait facilement sous mes doigts ? Ou peut-être sous une lame ? Je pourrais le découvrir... si je le voulais.

Mais pas encore. Pas encore.

Salvatore a cette vie que j'aurais pu avoir. Qu'il m'a volée. Une femme, une famille... tout ce qui m'appartenait. Mais lui, il a toujours été faible. Il ne sait pas ce que c'est que de prendre des vies sans un soupçon de regret. Moi, je l'ai fait. J'ai mis fin à cette chienne qu'on appelait notre mère, et je n'ai pas tremblé. Pas une seule seconde.

Elle m'a supplié. Je me souviens encore de ses cris. Pathétique.

Mais Stella... elle est différente. Elle résiste. J'aime ça. Je me demande combien de temps elle tiendra, avant de se briser. Elles se brisent toutes, tu sais. Toutes.

Je ne suis pas pressé. Je suis patient. Après tout, il est si amusant de les regarder s'enliser dans cette mascarade de bonheur. Un jour, Salvatore finira par tout perdre. Et ce jour-là, je serai là. Je prendrai ce qui m'appartient.

Ah, mon cher petit frère... Tu crois vraiment que je t'ai oublié ? Que j'allais disparaître comme un souvenir d'enfance, lointain et effacé ? Pauvre Salvatore... Si tu savais.

Je t'observe, là, à travers cette fenêtre, comme un dieu qui contemple ses créations. Tu te débats toujours dans cette vie que tu crois avoir choisie, cette vie de mensonges et d'illusions. Regarde-toi... Un enfant perdu dans un costume d'adulte. Tu prétends protéger cette femme, cette pauvre Stella. Mais tu sais, tout comme moi, que tu n'es bon qu'à détruire ce que tu touches.

Je pourrais presque te plaindre. Presque.

La vérité, c'est que je suis bien plus proche de toi que tu ne l'imagines. Plus proche que ce que tu pourrais supporter. Chaque respiration que tu prends, chaque pensée que tu as... Je les contrôle déjà. J'ai toujours été là, n'est-ce pas ? Même quand tu croyais être en sécurité.

Je suis celui qui te connaît vraiment, Salvatore. Celui qui a vu tes pires moments, tes faiblesses. Tu te souviens ? Je t'ai tout pris. Et je pourrais tout recommencer.

Mais non, ce serait trop facile, trop rapide. J'aime ce jeu. Ce petit théâtre de la douleur que tu m'offres. Tu me fais tellement rire avec tes airs de dur, avec tes cigarettes, tes silences. Mais à l'intérieur, tu trembles. Je le sais.

Tu veux voir comment je vais jouer cette fois-ci ?

Je sors doucement cette vieille photo. Maman. Oh, notre précieuse mère. Tu n'as jamais su ce que j'ai vraiment ressenti pour elle, n'est-ce pas ? Toi, tu l'adorais. Moi, je voulais la briser. Et je l'ai fait.
Je glisse la photo sous la porte, là où tu ne pourras pas manquer de la voir. Juste un petit rappel... pour te rappeler qui je suis, ce que je suis capable de faire. Et surtout, pour te rappeler ce que je vais te reprendre cette fois-ci. Pas ta mère. Non... Cette fois, je vais prendre Stella.

Je l'imagine déjà, entre mes mains. Elle m'appartient autant que toi.

Je me lèche les lèvres, anticipant le moment où je la ferai mienne. Oh, Salvatore, tu n'as aucune idée de ce qui t'attend.

Il est tellement prévisible, mon frère. Je vois la terreur dans ses yeux. C'est délicieux.

Mais ce n'est qu'un début, un tout petit aperçu de ce que je lui réserve. La vraie torture, celle qui fait fondre les âmes, n'a même pas encore commencé. Il pense qu'il peut me fuir, qu'il peut la protéger... Il se trompe.

Parce que je suis partout. Je suis dans chaque ombre, dans chaque souffle de vent. Et bientôt, il comprendra que je n'ai jamais vraiment disparu. Je n'ai fait que me cacher, dans l'ombre, à attendre mon moment.
Je souris en regardant leur petit manège à travers la fenêtre. Ils se croient à l'abri, mais ils sont déjà dans ma toile. Salvatore se bat contre lui-même, et Stella... Stella est à moi.

Bientôt, je vais briser son petit monde, pièce par pièce. Je vais la regarder s'effondrer dans ses bras, et il ne pourra rien faire. Il sera obligé de tout voir, impuissant.

Je vais les détruire, et je vais savourer chaque seconde.

Je le laisse là, savourer la photo de notre chère mère entre ses mains tremblantes, comme un bon vin qu'on savoure lentement. Je l'imagine regarder ce visage, le même que celui qu'il croyait protéger, celui qu'il pensait aimer...

Je suis là, juste derrière lui, toujours présent, jamais vraiment loin. Il croit pouvoir s'échapper de moi, me garder hors de sa vie, mais je suis comme un poison dans son sang, une ombre qui refuse de disparaître. Chaque pas qu'il fait, je le devance. Chaque souffle qu'il prend, je l'étouffe.

Et elle... Stella.

Je me souviens de toi, ma belle. Dans cette boîte de nuit, te retournant encore et encore, croyant apercevoir une silhouette familière. C'était moi. Tu dansais, légère, insouciante, mais tu sentais ma présence, n'est-ce pas ? Tu l'as ressentie dans chaque fibre de ton être. Tu me cherchais du regard, intriguée, perdue, comme une petite proie cherchant son chasseur.

Oh, je me souviens...

Je t'ai observée toute la nuit, t'approchant, disparaissant juste au moment où tu croyais m'avoir trouvé. Je t'ai laissée courir après un fantôme, te laissant croire que tu avais échappé à quelque chose de dangereux.

J'aurais pu te prendre ce soir-là, Stella. Te dévorer tout entière, t'envelopper dans mon obscurité. Mais non... Ce serait trop facile.

Je veux que ça dure. Je veux savourer chaque instant, te voir te débattre comme un papillon pris dans une toile. Je vais prendre mon temps avec toi, te regarder souffrir, te détruire morceau par morceau. Salvatore, lui, ne pourra qu'assister à ton effondrement, impuissant. Cette nuit dans la boîte de nuit n'était qu'un début. Une mise en bouche.

Je vais te déguster lentement.

L'as de Pique ♠️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant