L'as de Pique ♠️

Chapitre 2 - Les ombres de nos nuits

Salvatore, 6 ans

Boom...

Une détonation, il est encore loin. Je cours la tête tournée en arrière pour vérifier qu'il ne me rattrape pas. Il fait si froid, mes jambes tremblent de douleur, je cours depuis déjà six heures. Je ne vais plus tenir longtemps. Et pourtant, pour lui le jeu ne fait que commencer.

Boom...Boom...

Deux détonations, il se rapproche. J'ai peur, tellement peur. Je vois des ombres partout, elles bougent comme si elles allaient m'attraper. Je vous en supplie, je n'ai que six ans...Mon cœur manque un battement lorsque que j'entends les chevaux se rapprocher de moi. Je tombe, me relève, encore et encore, portant mon corps couvert de boue. Les cris stridents des autres enfants me font peur, j'essaie de me boucher les oreilles, mais le bruit reste dans ma tête. Je veux que ça s'arrête, mais je suis coincé.

Boom...Boom...Boom

Trois détonations, c'est fini. Je sens mon cœur battre trop fort, tellement fort que ça fait mal. Je les entends me rattraper, et je sais que quelque chose de terrible m'attend si je n'arrive pas jusqu'au bout. Cette fois-ci, je suis trop fatigué, mes jambes sont comme du coton. Je ne vais pas réussir à me cacher, mais s'ils me trouvent...
Pitié, non...

20 plus tard...

En sueur, je me lève du canapé sur lequel je suis allongé. Notre nuit de noces n'a rien de romantique. Je n'ai jamais dormi dans la même pièce qu'une autre personne, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit de peur de lui faire du mal dans mon sommeil. J'ai plus peur de moi-même que de n'importe qui sur cette terre. Ils ont fait de moi un monstre.
Elle dort si paisiblement, et c'est sûrement sa dernière nuit calme avant un moment. Elle ignore encore qu'elle va devoir vivre sous le même toit que moi, au moins jusqu'à ce que les médias se calment.
Son père a participé à mon entraînement, il a participé à tous les actes barbares que nous infligeons aux enfants qui font partie de ma famille.

« Celui qui n'arrive pas à survivre n'a rien à faire dans cette famille ».

Les paroles de mon père raisonnent dans ma tête comme une mélodie funèbre jouée en boucle. Son père le sait, et malgré tout ça, il l'a forcée à se marier avec moi.
Moi, je peux m'en sortir, je passe ma vie à me battre contre mes pensées. Mais elle... elle ne tiendra pas, personne ne peut vivre sous le même toi qu'un fou. Le Corbeau. Le messager des ténèbres qui plane au dessus des âmes perdues, l'ombre qui accompagne la mort. Ils l'ont unie au pire des hommes.
J'ai passé la nuit à me battre contre ma paranoïa et mon impulsivité. Les médicaments ne suffisent plus à calmer mes crises, la colère s'empare de tout mon corps.
Je suis tellement fatigué de me battre.
Il nous est impossible de divorcer, mais si je n'arrive pas à tenir une nuit, je ne tiendrai pas toute une vie.
J'allume la clope qui repose entre mes lèvres, la regardant étendue sur le lit. Son corps délicatement détendu, comme si le poids du monde s'était enfin évaporé.
Si tu savais, Fiamma...
Ses paupières closes dissimulent les plus beaux yeux que je n'ai jamais vus, et les miens commencent à se fermer de fatigue.
Ne t'endors pas, ne prends pas le risque de la tuer.

Stella

- Nous allons bientôt arriver à la maison, préparez les chambres et surtout ne laissez rien traîner, ordonne Salvatore au téléphone.
- À la maison ? Je rentre chez mes parents, c'est ce qui était prévu, je panique.

À son regard je comprends que mon père n'a pas voulu me prévenir pour ne pas que je fasse un scandale au mariage. C'est pire qu'un mauvais rêve, vivre avec Le Corbeau, je préférais mourir plutôt que de vivre sous son toit. J'ai à peine supporté une nuit avec lui tant sa présence m'effraie. Jusqu'à quand allions nous devoir faire semblant ?