Chapitre 23 - Le Corbeau est rentré.

27 0 0
                                    

Salvatore.

1 mois.

Je reste là, planté devant cette immense porte de fer qui semble peser des tonnes, comme si chaque pas vers la sortie me demandait un effort surhumain. Mon corps est brisé. Chaque muscle tendu sous ma peau usée se rappelle à moi à chaque mouvement. Ce mois passé ici m'a achevé d'une manière que je n'aurais jamais imaginée.

Les nuits sans sommeil, hantées par les mêmes cauchemars. Chaque nuit, je la vois, son visage déformé par la douleur, se tordant sous les coups, son souffle saccadé, ses yeux qui brûlent même dans mes rêves. Et moi, impuissant. Encore et encore, je la perds dans ces visions, cette peur qui me paralyse. Une douleur si vive, si réelle, que je me réveille en hurlant, le souffle court, trempé de sueur. Chaque nuit est un combat, et chaque matin, je me réveille un peu plus détruit. Ces gélules m'ont privé de ma volonté, elles m'ont enchaîné à mes pires peurs.

Et il fallait que ce soit elle...

Aujourd'hui, c'est Noël. Un jour que je devrais associer à des souvenirs de chaleur, de famille, mais pour moi, Noël n'a jamais été qu'un autre jour à survivre. Rien de plus. Et cette année encore, c'est pire. Je devrais être chez moi, au manoir, mais je me sens comme un étranger dans ce monde. Qu'est-ce qui m'attend là-bas, à part la même solitude, les mêmes fantômes qui me suivent, ou, elle ? Alors que je me dirige vers la sortie, je la sens avant de la voir. Nonna. Son parfum de rose fanée flotte dans l'air, cette odeur à la fois douce et suffocante, comme un souvenir d'enfance qui s'attarde trop longtemps. Sa main glacée frôle ma joue, un geste qui me fait frissonner. Elle sourit, un sourire qui devrait être rassurant mais qui ne fait qu'accentuer mon malaise.

— Tu as encore des choses à régler, mon enfant. Reviens-moi vite , murmure-t-elle, sa voix douce, presque envoûtante.

Elle me regarde comme si elle voyait à travers moi, comme si elle connaissait mes faiblesses mieux que moi-même. Je la fixe, incapable de répondre. Les mots se coincent dans ma gorge. Qu'est-ce que je pourrais lui dire ? Je lui dois tout, et en même temps, je lui en veux d'avoir fait de moi un monstre. Je force un sourire, un sourire qui me coûte, et je murmure :

— Je ne pars jamais vraiment...

Je lui tourne le dos avant qu'elle ne puisse répondre, avant qu'elle ne puisse creuser plus profond dans mes pensées. Un pas, puis un autre. La porte s'ouvre enfin, et l'air glacial du dehors frappe mon visage. Je quitte cet enfer, avec encore plus de sang sur les mains. Mais une part de moi reste ici, enfermée dans cette prison de pierre, dans ces couloirs qui résonnent encore des cris de ceux qui, comme moi, ont tout perdu, ont perdu leur humanité.

Et tandis que je m'éloigne, le bruit de la porte qui se referme derrière moi semble sceller une partie de moi-même, comme une promesse non tenue. Je n'ai pas fini ici, je le sais. Et cet endroit... cet endroit ne me laissera jamais vraiment partir.

♾️

Je pousse la porte du manoir, et le froid glacial de la nuit me suit à l'intérieur. L'endroit est plongé dans un silence oppressant. Je m'attendais à la voir ici. Je m'attendais à affronter son regard de braise, rempli de colère, de tristesse, peut-être même de haine. Elle devrait être là, à attendre des explications, prête à me déchirer en morceaux. Mais non. Rien. Le silence, seulement le silence. L'air est lourd, comme si le manoir lui-même retenait son souffle. Je jette un coup d'œil autour de moi, mais les pièces sont vides. Aucun signe de vie. Pas de Stella. Un frisson me traverse, pas à cause du froid, mais à cause de cette absence brutale. Est-ce qu'elle est partie ? Est-ce qu'elle a tout quitté ? Non. Ce n'est pas son genre. Pas sans une confrontation, pas sans me faire payer.

L'as de Pique ♠️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant