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Point de vue d'Apollon, aux Enfers, période actuelle
Le passage vers les Enfers n'est jamais aisé, surtout lorsque nous n'avons pas la chance d'avoir une invitation. Depuis toujours, il règne dans les champs d'Asphodèle une atmosphère lourde. Chaque souffle, chaque murmure qui en émane semble être une promesse de douleur cachée dans la brume. Cependant, aujourd'hui, c'est un malaise bien plus tangible qui me suit. Le matin même, j'ai appris une vérité qui m'a laissé sidéré : la malédiction d'Éris, comme un poison pernicieux, a trouvé son chemin jusqu'aux Champs Élysées. Avant y régnait la paix, la joie et la sérénité. Aujourd'hui, le sort s'insinue insidieusement, assombrissant l'éclat naturel de ces lieux. Bien sûr, je savais que cela arriverait. Mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit si rapide.
Lorsque je franchis la barrière des ombres, un froid glacial effleure ma peau. Comme si toute chaleur avait été aspirée du royaume des enfers par la force de cette ombre maléfique. Chaque pas alourdit mon cœur et renforce ma détermination. Il est impossible que la lumière d'Euphrosyne, ma radieuse femme, soit à jamais ternie par cette marée de désespoir.
Tout en me frayant un chemin à travers les dédales des enfers, je prends conscience des premiers changements. Je suis à présent arrivé à l'entrée des champs Elysées. Auparavant les tables étaient colorées et l'odeur sucrée des tartes aux fruits posées dessus embaumée jusqu'à Asphodèle. L'herbe tendre sur laquelle mes pieds reposaient semblaient d'un vert vibrant. Et bien sûr, impossible d'évoquer ce paradis sans parler des somptueux jardins de Perséphone, l'épouse d'Hadès, dont les couleurs égayaient les lieux. La chaleur du soleil réchauffait alors mon visage. Les rires des enfants résonnaient tandis qu'ils jouaient autours de moi un air malicieux sur le visage. Les adultes quant à eux lisaient ou conversaient entre eux. Un vrai petit Eden, comme l'appelle les chrétiens aujourd'hui.
À présent, Champs-Élysées, champ d'Asphodèle, Tartare... Plus aucune différence ne délimite la séparation des Enfers. Des arbres squelettiques se dressent tels des spectres tristes et silencieux. Une brume grise flotte au sol, et rend le paysage terne. La lumière à quasiment disparu, ne laissant plus qu'un crépuscule perpétuel. Les seules lueurs encore visibles proviennent du château d'Hadès. Il se situe sur la seule parcelle encore relativement intacte du royaume et semble se dresser, tel un dernier rempart, face à la malédiction.
Je sursaute quand un courant d'air froid me frôle. Une ombre passe près de moi. Je suis aux Champs-Élysées, cette personne devrait donc être faite de chaires, une représentation de ce qu'elle était autrefois. Mais aujourd'hui, toutes les âmes atteintes par la malédiction d'Éris ne sont plus que des silhouettes indéfinies condamnées à errer aux enfers.
Les lamentations de leurs âmes déchues résonnent dans le néant, amplifiées par la mélodie d'un vent lugubre. Ce son me pousse à aller plus loin pour constater l'étendue des dégâts. Enfin au bord des Champs Élysées, la scène qui m'attend me glace le sang.
Hadès, tout de noir vêtu, se tient là. Ses yeux fixent le vide face à lui. De sa main massive jaillit son bident, enfoncé profondément dans le sol, comme si lui-même cherche à assujettir cette terre dénaturée. Composé d'or, il étincelle, seule source de lumière chaude dans cette partie des enfers. Ses deux piques, orientées vers le ciel semblent piquetés d'obsidienne et de diamant. Je l'oublie souvent, mais le Roi des morts est aussi le dieu de la richesse.
— Hadès, appelé-je, ma voix cassant à peine le silence lourd.
Il lève un regard empreint d'une tristesse insondable, une émotion rare chez le souverain des morts. Ce désespoir apparent amplifie mon appréhension.
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La malédiction d'Euphrosyne et Apollon [Romantasy]
RomanceSe mettre une déesse à dos, ce n'est jamais bon. Mais quand celle-ci se venge et fait disparaître toute la joie dans ce monde par simple caprice, alors, le pire est à venir. Sauf si je parviens à rompre ce mauvais sort. Car toute malédiction peut êt...