jour 112 (suite)

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La tête lui tournait. Mickaël plissa les paupières quand Serge le poussa près d'une table en vociférant une phrase comportant le nom de Salva. Il n'avait pas bien saisi – il avait trop mal pour se concentrer – alors il tira une chaise, la première à portée de main, et se laissa tomber dessus.

Seulement après, il remarqua le silence obtus qui régnait dans la salle à manger. Rien n'était prêt. La table brillait, désertée de la moindre vaisselle. Aucune odeur de lait chaud ou de café.

Aucun des garçons ne s'était avancé. Tous se tenaient derrière Serge, osant à peine pénétrer dans la pièce.

— Qu'est-ce t'as fait, petit merdeux...

Mickaël nota que ce n'était pas une question. Dommage. Il aurait bien aimé en connaître la réponse.

— Appelle un médecin...

Salva usait du même ton de voix, ce qui ne lui ressemblait pas. Mickaël fit un effort surhumain pour poser son attention sur lui. Sa tête semblait peser des kilos de plomb. Salva se tenait devant la porte vitrée. Mickaël ne remarqua Yolande qu'à ce moment-là, immobile dans la cour, sous la pluie, le regard vissé à leur petit attroupement et les mains cramponnées aux bords du ciré. Son visage chiffonné se déformait derrière les gouttes qui dégringolaient sur le verre.

J'ai soif...

— Pose ça, mon gars. Parce que je te garantis que si tu bouges, tu vas le regretter jusqu'à la fin de ta vie.

— Pourquoi vous appelez pas juste un médecin ? gronda Ludovic.

— FERME TA GUEULE TOI. FERMEZ TOUS VOS GUEULES.

Mickaël sursauta. Il s'endormait sur sa table. Il rouvrit les yeux, agressé par la lumière du jour, par cette odeur lancinante qui lui obstruait les poumons. Un petit craquement chuinta dans l'air. Son regard s'accrocha à l'allumette que Salva brandissait.

— Je crois que c'est toi qui vas fermer ta gueule, parce que qu'est-ce que tu vas faire, hein ? Me sauter dessus ? Ça empêchera rien... Peut-être bien que je serai foutu, mais ce centre aussi. Et toi avec, mon gros. Parce qu'il faudra bien que t'expliques à quelqu'un, la juge ou un flic, comment et pourquoi ce putain de centre est parti en fumée comme ça...

De se main libre, Salva forma un poing qu'il rouvrit aussitôt. Au moment où ses doigts s'écartèrent, sa bouche laissa échapper un « pfiou ».

Mickaël darda un regard endormi sur la salle. Il ne voyait aucune fumée. Il ne comprenait pas bien ce dont ils parlaient. En revanche, ses yeux se posèrent sur le carrelage luisant. Ce n'était pas le jour du lavage du sol. Du moins, il ne croyait pas.

On est quel jour ? ... Je sais plus...

— Appelle... un médecin. Ou je la lâche.

— Si tu lâches ce truc, Dali, non seulement je vais te botter le cul si fort que tu pourras plus jamais t'asseoir, mais en plus tu vas filer direct en taule. Si tu retournes pas dans ton pays avant.

Contrairement à ce que Serge croyait, sa réponse ne mit pas Salvator en colère. Bien au contraire, le sourire qui se hissa peu à peu sur son visage conquérant l'effraya tout à coup.

— Je crois que t'as pas bien compris... Si je la lâche – Salva désigna l'allumette du menton qui se consumait – t'auras pas le temps de t'occuper de moi.

Et pour être certain que ses propos étaient intégrés par chacun, Salvator brandit le reste du paquet d'allumettes. Déjà, il en embrasait une autre. Son sourire forcit quand tout le monde baissa la tête, s'apercevant qu'un liquide ruisselait entre les joints des carrelages de tout le rez-de-chaussée. De l'alcool.

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La minute effacée - (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant