JOUR 27

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Carole colla son nez sur la vitre sale. Le jour se levait à peine tandis que le couloir de l'étage s'étirait dans un silence obscur. Les lieux n'étaient jamais si calmes qu'à cette heure. Dans la chambre d'isolement, deux corps pressés l'un contre l'autre sommeillaient encore.

Salvator faisait face au mur, les bras recroquevillés contre son torse. Carole plissa les yeux, certaine d'avoir mal vu. Quand sa clé cliqueta dans la serrure, les garçons se réveillèrent. Salvator retira aussitôt son pouce de sa bouche et cette simple vision lui brisa le cœur. Elle ne l'avait connu que bruyant, insultant, provocateur, bien décidé à se moquer de la justice.

Pourtant, dans le silence de l'intimité, elle vit enfin l'abîme qui retenait à bout de bras l'enfant abandonné et l'adulte désarmé ; au milieu, la recherche perpétuelle d'une vie qui ne se consolait ni d'un côté ni de l'autre.

Les sourcils de Salvator s'abaissèrent. Ses iris sombres flamboyaient de méfiance. Un mode de survie enclenché par la présence de l'éducatrice. Elle repensa aux paroles de la juge et se racla la gorge.

— Venez. Sortez...

Elle croyait leur offrir la liberté, pourtant Mickaël se redressa à peine, grattant sa tignasse emmêlée.

— Pour aller où ?

— Comment ça aller où ? Sortir d'ici !

— Bah. On est bien...

Salvator esquissa son premier sourire de la journée. Son ventre crevait d'un manque de nourriture, mais les provocations de Micka le remplissaient d'étoiles électriques.

— Sortez, les garçons. Allez prendre une douche chaude. Je vous attends en bas. Ne traînez pas.

Salvator se glissa jusqu'au bord du matelas, la jaugeant de haut en bas. Le couloir brillait d'un vide ambiant. Ce n'était pas normal.

— Y sont où les autres ?

— Ils dorment. Il n'est que six heures. Dépêchez-vous. Vous auriez même pas dû rester là autant.

— Ouais bah vous direz ça aux deux singes là.

Il passa la porte, non sans bousculer l'éducatrice d'un léger coup d'épaule. Elle le laissa faire, l'observant se traîner vers la salle d'eau collective, alors qu'il réajustait son t-shirt trop grand. Dans la chambre d'isolement, pas de vaisselle en vue.

— Où sont vos plateaux ?

— Nos plateaux ?

Mickaël s'arrima à son regard. Son visage fatigué et sa moue basse parlaient pour lui.

— Vous n'avez pas mangé depuis quand ?

Il détourna la tête, le temps d'une réflexion.

— Avant-hier soir.

Elle se décomposa sur place. Il ne plaisantait visiblement pas.

— Vous n'avez... Oh merde alors. Dépêche-toi. Va te laver et venez prendre le petit-déjeuner. Préviens Salvator.

Mickaël abandonna son sous-pull taché de sang sur son lit et rejoignit les douches. Une légère condensation brouillait déjà les carrelages. Dans l'espace le plus reculé, une main contre la paroi, Salvator se noyait sous le jet, immobile, la tête baissée. Mickaël aurait donné cher pour entendre ses pensées, saisir les émotions qui le paralysaient ainsi.

Il abandonna la serviette sur le muret, perdu au creux des vallées d'eau qui ruisselaient sur le dos de Salva. Il lutta pour ne pas toucher les cicatrices encore rouges, devinant que Salvator n'aurait pas aimé.

La minute effacée - (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant