JOUR 4

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Salvator n'avala rien au petit déjeuner, trop énervé d'avoir Mickaël en face de lui, qui passait son temps à baragouiner avec Corentin tout en trempant son pain au beurre demi-sel dans son lait assaisonné de trois cuillères de poudre chocolatée et d'un morceau de sucre.

Putain, mais pourquoi je retiens des trucs pareils, moi.

Il occupa sa matinée à apprendre à faire du ciment. Quand il demanda ce qu'ils étaient censés construire au juste, au milieu de cette putain de cour boueuse, Ludovic, un type sans histoire, bien qu'il ait fait parti d'un gang, lui désigna simplement quelques mètres carrés bétonnés. Les autres gars ne répondirent pas à ses questions, soit haussant les épaules, soit arguant qu'ils n'en savaient trop rien.

— Il est naze ton ciment, là, finit par lui dire Mickaël.

— C'est bien. Ça vous fait un point commun.

— T'es vraiment un gros con...

Mickaël se détourna, l'envie d'aider entièrement envolée. Il se figea pourtant, la tête rentrée dans les épaules, quand une mixture épaisse frappa son dos, imbibant son t-shirt, puis dégoulinant sur ses fesses avant d'atterrir dans l'herbe en un pathétique « ploc ». Il se retourna, et avisa Salvator qui le fixait, un air railleur.

— Tu viens vraiment de m'envoyer du ciment, là ?

— Mais c'est qu'il a plus que deux de QI le petit Mickaël. Quel cadeau du ciel. Je vais t'appeler Mickado. Ça te dit ?

— Tu la fermes.

— Sinon quoi ? Tu vas me casser la gueule ?

L'éducateur chargé de leur surveillance n'écoutait même pas, plaqué contre le mur de la cour, sous l'auvent, une cigarette au bec, un journal dans la main. Tant que personne ne s'entretuait, l'absence de liberté était toute relative ici.

Mickaël se pencha vers son bac de mortier, saisit une poignée de ciment à pleine main et la balança sur l'adolescent.

— Non, je vais la repeindre.

La boule humide s'écrasa sur le torse de Salvator qui la dégagea d'une main, fulminant.

Cet idiot ne porte même pas de gants... nota Mickaël.

Pendant une fraction de seconde, il anticipa ce qui allait suivre. Curieusement, Mickaël ne bougea pas. Percuté de plein fouet, il termina dans l'herbe. Ses poumons expulsèrent tout leur contenu tandis qu'une paume le maintenait au sol. Il grimaça quand Salvator saisit son cou, les doigts pleins de ciment frais, la rage au bord des lèvres.

— Pas de blague sur mon nom, connard. C'est toi qui vas la fermer, t'entends !

Mickaël agrippa ses poignets. Alors Salvator pressa plus fort.

Sous sa peau, il sentait son pouls, étrangement calme malgré la situation. Il ne put s'empêcher de plonger dans les iris de Mickaël, océan de nuit froide braqué sur lui. Ses doigts reposaient sur ses poignets, sans tirer pour autant.

— Eh ! gronda Salvator.

Mickaël battit des cils pour toute réponse.

— T'as aucun instinct de survie ou quoi ? Connard !

Il décrocha de sa prise, peu amusé par une bagarre avec un légume, si bien que Mickaël se redressa sur ses coudes. Il caressa les empreintes déjà sculptées dans sa chair.

— C'est quoi le rapport avec ton nom ?

— Vous glandez quoi là !

La nuque basculée en arrière, la vision à l'envers, Mickaël observa Denis se pointer vers eux. Un poids le quitta. Salvator se relevait non sans lui jeter un regard en biais.

La minute effacée - (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant