Jour 89

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- Eh c'est quoi les sales traces sur tes bras là ?

Florent venait de s'immiscer dans la cabine de douche adjacente à la sienne. Salvator prenait bien soin de s'installer dans celle proche du mur, s'évitant ainsi un voisin indésirable. Le seul désirable qu'il aurait aimé voir à sa droite se devait de ne justement pas se trouver trop près. De quoi le faire enrager.

- T'es sourd ou bien ? reprit Florent.

- C'est ta chienne de mère qui me mord quand je la ken !

Florent lui adressa son majeur. Il frotta vaguement son savon sur sa peau, histoire de, tout en marmonnant que sa mère était une pute de toute façon. Et tandis qu'il râlait, Salva capta le regard de Micka. Immobile sous le jet d'eau, Micka le dévisageait de ses yeux de nuit, parmi les vagues de ses cheveux mouillés.

Salva rougit. La plupart du temps, son vocabulaire des plus grossiers éloignait les gens. Pas Micka. Or Micka s'exprimait plutôt pas mal. Un instant, Salvator se noya dans la langueur de ses gestes. La façon dont il le fixait tout en passant le savon bullé sur sa peau mouillée.

Tout est plutôt pas mal chez ce bâtard...

Mickaël ne bougeait plus. Sa main reposait dans son cou, à l'exact endroit où Salva s'était perdu cette nuit. Et si cet abruti de Florent ne s'était pas trouvé là, il aurait volontiers bouffé du savon juste pour sentir de nouveau cette peau contre la sienne.

Il ne sortit de sa transe que lorsque son corps se couvrit de frissons. L'eau avait cessé de couler. Une pression sur le poussoir redéclencha le jet, emporta le froid avec lui. Pas le reste. Un coup d'œil sur sa droite lui apprit que les rigoles d'eau étiraient le sourire de Micka vers le bas.

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JOUR 94

- Bonjour, jeune homme. Assieds-toi, je t'en prie.

Salvator s'exécuta, non sans jeter un regard en biais à la juge Salomé. On l'avait convié dans cette salle - il trouvait que le mot convier était sacrément abusé étant donné qu'il n'avait pas eu le choix - pendant que les autres s'esquintaient à poncer de vieux morceaux de bois. Denis ne les avait pas accompagnés, se contentant de déverrouiller les portes. Salva se demanda si ce grand con avait peur de la juge. Probablement. Et de l'imaginer trembler devant cette femme bien plus jeune que lui, et d'une stature nettement plus fine, rendait la chose encore plus drôle.

Son sourire se perdit toutefois quand sa propre peur lui rongea le cœur au moment où Salomé posa ses affaires sur la table. Dont son dossier.

- Bon. Comment vas-tu ?

Salvator se gratta les cheveux.

- Euh... Ça roule.

- Tu sais pourquoi je suis là ?

- Pour voir si je fous pas le dawa ?

Les mains sur ses genoux, il se surprit à faire tourner sa bague en acier. Finalement, il craignait autant cette femme que Denis. Mais lui avait de bonnes raisons. Son sort reposait entre ses mains. Et alors qu'il regrettait déjà d'avoir si mal parlé, Salomé posa les coudes sur la table et lui adressa un franc sourire.

- Sais-tu d'où vient ce mot ?

- Quel mot ?

- Dawa.

Salvator cligna des yeux. Il n'en avait aucune foutue idée à vrai dire. Il avait entendu ça dans une chanson de rap, et dans la bouche des autres gamins du foyer. Des ados, quand lui n'était toujours qu'un enfant. Il avait simplement acquis ce mot sans même se soucier de savoir l'écrire.

La minute effacée - (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant