— Nom de Dieu ! lâcha Denis.
Réveillé par ce tintamarre, Mickaël passa la tête hors de sa chambre. La matinée à peine entamée peinait à envahir le couloir. Elle baignait toutefois les carrelages de quelques lueurs bienvenues dans ces lieux gris.
Denis reclaqua vivement la porte, le visage exsangue, le regard exorbité. Les garçons commençaient à se lever, les cheveux en bataille, les yeux mi-clos par le sommeil, les voix encore endormies emplies de questionnement.
— C'est qui le connard qui gueule ? marmonna Salvator.
Mickaël ne put s'empêcher de sourire en le voyant fermer sa bouche au moment où il comprit que ledit connard était l'éducateur.
Peu gêné de paraître en sous-vêtements, Salvator s'étira, bâilla, avant de braquer un regard sauvage sur son voisin d'en face. Mickaël n'eut pas le temps de lui rendre son attention. Denis brailla à chacun de rentrer dans sa chambre.
— Mais on vient d'en sortir... grogna Patrick.
— Ben vous y retournez ! Faites pas chier et faites ce qu'on vous dit bordel ! Vous sortez pas jusqu'à nouvel ordre !
Il attendit, mains sur les hanches, que chacun s'exécute. Mickaël se replia derrière sa porte, les bras ballants, le cœur pulsant de manière effrénée. Quelque chose clochait. Il était l'heure de se lever. Les horaires figuraient peut-être parmi les règles les plus importantes des lieux. Aucun retard n'était accepté et celui qui s'y risquait se voyait privé de repas. La cuisinière avait ordre de ne pas attendre. Et même si Yolande contrevenait discrètement et volontiers aux règles pour le plaisir des garçons, elle ne pouvait contourner celle-là.
Collé au panneau de bois, Mickaël entendit des pas, puis des chuchotements, trop indistincts pour être compris. Une clenche s'abaissa, se releva presque aussitôt. Les gonds grincèrent. Il n'aimait pas ce silence soudain. Sous ses pieds nus, le carrelage froid glaçait son être. Enfin, les pas rapides disparurent dans les escaliers.
Mickaël déglutit. Le souffle court, il passa la tête dehors. Il n'était pas le seul à avoir eu cette idée. D'autres commençaient à sortir. Bientôt, chacun se retrouva dans le couloir, sans un bruit.
— Pourquoi il nous casse les couilles comme ça dès le matin ? chuchota Patrick.
— Ça change pas de d'habitude, bailla Salvator.
— Va t'habiller toi, clochard !
Salvator adressa son majeur à Florent.
— Qu'est-ce que t'as ? Je t'excite ? Ou bien tu complexes ? Dans les deux cas, suce ma bite, tocard.
Salvator se rengorgea des rires qui échappèrent à certains. Il se tut toutefois en s'apercevant que Mickaël avait la main sur la poignée de porte de la chambre voisine. Le pêne cliqueta. Instinctivement, les sourires disparurent. Des rides se plissèrent.
— Referme, chuchota Salvator.
Il y eut comme un souffle invisible, une onde qui rythma les cœurs à l'unisson dans ce silence cireux.
Mickaël hasarda quelques mots. Au cas où. Bien qu'il sût.
— Co' ? T'es debout ?
Le grincement de la porte érafla tout espoir.
Mickaël savait qu'il aurait dû écouter. Mais son corps se mouvait par automatisme. Quand il vit Corentin, ses doigts pressèrent si fort la poignée qu'ils blanchirent. Salvator jura voir le sang lentement refluer dans ses veines, sa peau hâlée pâlir, centimètre par centimètre, jusqu'à vider son visage de toute émotion.
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La minute effacée - (MxM)
RomanceUn soir de 1994, Mickaël, jeune délinquant de la route, vole une énième voiture. Cette fois sera la bonne pour la brigade qui le prend en chasse. Très vite il est jugé, et emmené dans un centre pour délinquants. C'est là qu'ils se rencontrent. Deux...