Le crépuscule tendait les bras. Salvator tentait tant bien que mal de l'ignorer, mais incapable de trouver le sommeil, il fourragea à l'intérieur de son matelas en mousse – il avait creusé un trou dans le coin supérieur droit – et en sortit son paquet de cigarettes. Le briquet réchauffa la pulpe de ses doigts, puis il inspira une bonne bouffée.
C'était le tour de garde du veilleur qui ne se pointait que deux fois. En début et fin de nuit. Il était donc tranquille pour les prochaines heures. Malgré l'obscurité, les loupiottes du couloir le protégeaient de l'angoisse, et la nicotine dans ses poumons faisait le reste.
Aussi, quand Mickaël passa la tête hors de sa chambre, Salva lui rendit son regard.
— Quoi ? finit-il par demander.
— File une taf.
— Nan.
— Je vais le dire au veilleur.
Il avança, calé dans l'embrasure de la porte, les bras croisés par la confiance.
— Putain, tu me casses les burnes à faire ta princesse, là. Grouille !
Sans cacher son sourire, Mickaël traversa le couloir, jetant à peine un œil pour vérifier que personne ne le voyait, puis s'engouffra dans la chambre de Salvator. Il se lança sur le lit, amusé de rebondir sur le matelas informe, puis cala un sourire dans les yeux de son voisin.
Salvator lui abandonna sa cigarette et en alluma une autre. Sans un mot de plus, il fuma pendant quelques secondes, le regard rivé droit devant, dégoulinant sur les murs lisses.
Une quinte de toux lui fit tourner la tête. Mickaël, plié en deux, cherchait sa respiration.
— C'est pas vrai. T'as jamais fumé non plus ?
Mickaël secoua la tête.
— Mais putain, ça coûte cher ! Tu m'as pris pour quoi ? Ton marchand de premières fois ou quoi ?
La fumée soulignait les cernes de Micka. Comme les autres, il dormait peu.
— Pourquoi pas ?
Il soutint son regard, la cigarette trop basse sur ses doigts, le filtre top enfoncé entre ses lèvres obstinément closes. Salvator ne trouva rien à répondre, perdu quelque part entre ces yeux insistants et ces gestes malhabiles. L'éclat d'une jeunesse maladroite mais audacieuse. Il resta fasciné par la façon dont l'ampoule embrassait les contours du visage de Mickaël. La lumière se posait, docile, sur toutes ses zones d'ombres, sans jamais oser s'y mélanger. Ses épaisses boucles luisaient, retombant sur ses tempes, à souligner la ligne de sa mâchoire. Quand Mickaël déglutit, Salvator prit soudain conscience que si son voisin tournait le dos au couloir, lui y faisait face. Par conséquent, la lumière éclairait son visage en pleine introspection.
Il détourna les yeux pour en revenir au mur d'en face, sa cigarette tremblante. Aucun d'eux n'avait reparlé de ce pseudo baiser, encore moins du moment qui avait suivi. Il se demandait s'il s'était fait des idées, parce qu'il avait la très nette impression que Mickaël savait qu'il s'était de nouveau rapproché dans l'obscurité. Il avait été à deux doigts de happer ses lèvres.
Avant que cet abruti de veilleur ramène de l'eau...
Puis plus rien.
Pendant quelques instants, il cherchait l'utilité de la présence de Mickaël à ses côtés. Cet idiot l'imitait, se penchant pour tapoter sa cigarette et laisser la cendre sur le sol avant de se réadosser contre le mur. Il ne parlait même pas, et lui-même ne voyait pas quoi dire. Jusqu'à ce que Mickaël souffle un dernier nuage de fumée.
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La minute effacée - (MxM)
RomansaUn soir de 1994, Mickaël, jeune délinquant de la route, vole une énième voiture. Cette fois sera la bonne pour la brigade qui le prend en chasse. Très vite il est jugé, et emmené dans un centre pour délinquants. C'est là qu'ils se rencontrent. Deux...