JOUR 48

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La nuit défilait derrière le pare-brise. Mickaël tapotait le volant du bout des doigts, inconscient du regard accroché à lui. Salvator se forçait à se concentrer sur le mouvement des essuie-glaces. Son attention déviait malgré tout. Il suffisait d'un changement de vitesse, d'un léger freinage, du cliquetis d'un clignotant – détail qui l'amusait grandement, le code de la route étant bien le seul code à peu près respecté par Micka – pour qu'il replonge, avalé par l'aura qu'il dégageait.

Bordé entre le mystique et le naturel, il ignorait que ressentir. La façon dont Mickaël conduisait, attentif à leur sécurité, le mettait en confiance. L'instant d'après, il se souvenait qu'ils se trouvaient en cavale, dans un véhicule volé, et que ce garçon n'aurait, à son âge, pas dû savoir contrôler une voiture.

You'll remember me, chantait Sabrina à la radio. Salvator ne pipait pratiquement rien à cet anglais qui envahissait peu à peu la télévision et la radio, mais il comprit au moins quand Mickaël chuchota les paroles : Be my lover, be my baby...

Ce dernier lui décocha un sourire avant de se replonger sur la route, emportant un peu plus de la rationalité de Salvator.

— Micka ?

L'intéressé lui jeta un coup d'œil sur le côté, signe qu'il écoutait.

— On va le regretter ? continua Salva.

Mickaël s'humecta lentement les lèvres. Son sourire inversé dévoila tout des pensées qui se jouaient.

— Ça dépend quand...

Boys boys boys, i'm looking for the good times...

— De quoi ça dépend quand ?

Plus âme qui vive à cette heure. Le panneau fin d'agglomération se profilait deux cents mètres plus loin. Amusé par l'air effaré de Salvator, Mickaël s'octroya le plaisir de passer la cinquième en ville.

— Ça dépend quand, répéta-t-il. Demain et après-demain, ouais, on va totalement regretter et on va passer un sale moment. Mais dans un an, cinq, même dix... ça nous fera toujours autant marrer.

Take a chance with love romance. Have some fun tonight !

Salvator détourna le regard. Son cœur accéléra, porté tant par la peur que la joie. La peur du lendemain, de ce qui l'attendait au centre, et encore plus à sa sortie ; la joie de savoir qu'il comptait assez pour Micka pour être inclus dans ses plans d'avenir.

Or, quand la voiture s'engagea sur un parking, Salvator changea d'avis. L'enseigne brillait dans la nuit, comme un avertissement.

— Dis-moi que tu comptes pas faire ce que je crois que tu comptes faire... murmura-t-il, les yeux rivés sur les énormes lettres rouges.

— Je suis à peu près sûr que c'est pas ce que tu crois. Viens !

La portière conducteur claqua. Les mains sur les hanches, Mickaël profita un instant de l'environnement. La nuit tombée n'empêchait pas l'effervescence du week-end. Le parking bondé brillait de véhicules alignés. Les roues des caddies crissaient sur le macadam, lui arrachant un sourire. Tous ces gens voguaient, inconscients du bonheur de leur liberté. Il ferma les yeux pour en apprécier chaque précieuse seconde. Le temps était compté. Mais il ferait en sorte que chaque minute des prochaines heures se grave en eux à tout jamais.

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— T'as déjà goûté ça ?

Mickaël pointait un paquet rouge décoré de billes au chocolat. « Maltesers » déchiffra Salva, qui se demanda bien où ces abrutis de commerciaux allaient chercher des noms pareils.

La minute effacée - (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant