Ils n'avaient pas dormi depuis un sacré moment. Pour commencer, à l'ouverture du magasin le lundi matin, les employés avaient d'office appelé la police. Aucun moyen de fuir, et même s'ils avaient pu, ils ne l'auraient pas voulu. Ils n'avaient nulle part où aller.
Le reste de la journée, ils l'avaient passée en garde à vue. Ensuite, ils avaient été ramenés au centre. Au grand dam de Mickaël, Denis les avait séparés. Salva en chambre d'isolement, lui-même dans sa chambre sans possibilité de sortie.
Mickaël aurait supporté l'enfermement s'il n'avait pas su Salva en proie aux crises d'angoisse. Ensemble, ils pouvaient vaincre. Seuls, ils perdaient. Les démons de l'obscurité avaient une fois de plus gagné. Mickaël avait lutté contre le sommeil, même quand Salva avait cessé de hurler, cherchant à s'assurer qu'il irait bien. De fait, il n'avait pas dormi, à peine somnolé. Il soupçonnait qu'il en était de même pour Salva, parfois emporté par quelque évanouissement à force de s'affoler.
Ils n'avaient pas pu échanger. Personne n'avait même songé à les laisser se doucher. Et à présent, ils patientaient en attendant que la juge puisse les recevoir.
Carole ne leur avait pas décroché un mot. Mickaël s'était pourtant attendu à ce qu'elle se moque, ou qu'elle les invective. Mais rien. Seul un long regard appuyé lorsqu'ils étaient rentrés, et des regards fuyants en leur apportant un plateau-repas. Toujours pas un mot quand elle les avait conduits jusqu'au tribunal. C'était peut-être ça le pire. Le silence. Les paroles de Salva lui revinrent en mémoire.
« je te souhaite de continuer de croire que la violence physique c'est le pire truc qui puisse t'arriver. »
Mickaël comprenait. La gifle de Denis une fois à l'abri des murs, et la manière dont ils avaient été trainés à l'étage sous l'œil ahuri des autres résidents ne valaient rien à côté du silence de Carole ou du hochement de tête de la juge Salomé au moment où elle s'installa à son bureau.
D'abord elle ne dit rien. Le raclement de sa chaise sur le parquet donna à Micka l'envie de s'enterrer. Il fallait que quelqu'un parle. La greffière se contentait d'attendre. Les touches produiraient plus de bruit qu'elle. Carole patientait, les mains croisées, le regard droit devant elle, et Salva fixait le sol d'un air absent. La fatigue et la terreur avaient creusé de profonds cernes sur son visage. Soudain Mickaël eut honte. Il ne supportait plus le vide si bien qu'il bondit de sa chaise.
— Bonjour. Madame. Euh... C'est...
— Je ne crois pas que le jour soit bon, jeune homme. Assieds-toi. Je ne t'ai pas demandé de te lever.
Il déglutit, plus pâle. Le visage de la jeune juge Salomé n'augurait plus ni empathie ni patience. Il l'avait déçue. Et quelque chose en lui se fissura. Il n'aurait su dire pourquoi.
— Bien. Inutile de vous rappeler pourquoi vous êtes là. Vous n'êtes pas idiots, quoique les derniers évènements en date tendent à prouver l'inverse.
Mickaël se mordit l'intérieur de la lèvre. Un coup d'œil à Salva lui apprit qu'il ne riait pas non plus. Les gifles verbales de la juge les blessaient davantage que les coups des éducs.
— Donc ma première question est : qu'est-ce qui vous a pris, au juste ?
— C'est ma faute, madame. C'est moi qui... reprit Mickaël.
Le regard acéré qu'elle lui adressa derrière ses lunettes le fit taire.
— Vous étiez deux. La faute vous incombe à tous deux. Je me fiche bien de tout ce qui s'est passé autour. Est-ce que c'est clair ?
— Mais c'est pas juste... marmonna-t-il.
Il écarquilla les yeux quand le sourire de Salomé se hissa si haut que pendant quelques secondes, elle ne dit plus rien. Un instant, il crut qu'elle allait se précipiter sur eux, contourner le bureau, et leur coller une claque. La juge se contenta de rester debout.
VOUS LISEZ
La minute effacée - (MxM)
RomanceUn soir de 1994, Mickaël, jeune délinquant de la route, vole une énième voiture. Cette fois sera la bonne pour la brigade qui le prend en chasse. Très vite il est jugé, et emmené dans un centre pour délinquants. C'est là qu'ils se rencontrent. Deux...