CHAPITRE 02

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« - Je compatis très sincèrement à votre chagrin, Mademoiselle Timer... »

Mais ?

Avec les adultes, il y a toujours un mais. Comme je m'y attendais, la directrice se redresse sur sa chaise et entrecroise ses doigts devant son visage, de sorte à former une petite pyramide. Ses yeux limpides se fixent aux miens, tandis qu'elle articule chacun de ses mots.

« - ... mais vous avez été absente pendant une très longue période. Ce faisant, vous n'avez pas pu passer les examens qui détermineront votre avenir professionnel. En tant que directrice de ce lycée, je ne peux pas me permettre de vous lâcher dans la nature sans aucun bagage et outils de connaissance. »

Mon avenir professionnel. Il me paraît tellement loin, tellement hors de portée. Je ne sais même plus qui je suis, alors réfléchir à mon futur avenir ? Rien que d'y penser, j'en ai mal au cœur et à la tête.

« - Je comprends les raisons qui vous ont poussée à une si longue absence... reprend la directrice en s'adoucissant. Arthur Torres était un élève modèle, respectueux et aimé de ses professeurs et de ses camarades. Nous compatissons tous à votre chagrin et à cette perte douloureuse. »

Ses yeux me scrutent intensément, comme si elle voulait graver ces mots dans mon esprit.

Un élève modèle. Une perte douloureuse. Arthur était bien plus que ça. Je déglutis difficilement, sentant une boule me remonter à la gorge. Ne pleure pas. Pas devant elle. Je relève le menton et plonge mes yeux dans ceux de la directrice. Cette dernière est toujours penchée vers moi, comme pendue à mes lèvres, guettant la moindre réaction de ma part, un quelconque signe de lâcher-prise ou de faiblesse.

Elle voudrait que je craque et que je m'effondre devant elle. Car c'est ce que font toutes les personnes encore en deuil. Elles éclatent en sanglots, hurlent de colère, injurent le monde entier et se demandent pourquoi la vie se montre si injuste envers elles...

Mais voilà, j'ai déjà expérimenté toutes ces étapes. Je ne me sens plus la force de crier, de pleurer ou de me lamenter. Je me sens juste vide. Vide sans lui.

« - Merci. »

Je suis fière du ton de ma voix, que j'ai réussi à rendre calme et assuré. Pour la première fois depuis très longtemps, elle n'a pas déraillé ou tremblé.

La directrice me fixe encore un moment, ses yeux bleus contrastant avec la blancheur de sa peau. Elle semble attendre que j'ajoute autre chose, mais je n'en fais rien. Qu'est-ce que je pourrais bien dire d'autre ? Tout a été dit.

« - D'accord... finit-elle par souffler en se calant dans son siège, résignée. Tu comprendras alors pourquoi nous pensons, moi comme tes professeurs, que le mieux serait de te faire redoubler... »

Je pousse un soupir et hoche la tête, résignée moi aussi. En revenant au lycée - bien que poussée par Jasmine - je m'attendais à ce qu'on me fasse redoubler. J'espérais même secrètement qu'on me renvoie, histoire de ne plus avoir à mettre un pied dans cet endroit, qui me rappellera toujours qu'Arthur n'est plus là.

« - Je comprends. » je souffle en m'efforçant de chasser son visage de mon esprit.

« - Bien... »

Alors que je considère la discussion close et que je m'apprête à me lever, la directrice contourne son bureau pour se placer devant moi. Sa main fine et d'une blancheur presque irréelle se pose sur mon épaule. Je m'immobilise, surprise.

« - Je compte sur toi pour en parler à tes parents. Tu pourras me faire part de leur réponse lundi matin. Profite de ce week-end pour te reposer, Louna. »

Time Travelers - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant