Je suis si sûre de moi, si persuadée par cette idée – bien qu'horrible – que ma sœur n'essaie même pas de m'en dissuader. Après cette révélation, elle me fixe, les yeux écarquillés.
« - Qui aurait pu faire une chose pareille... ? » murmure-t-elle en secouant la tête, pétrifiée.
Contrairement à moi, Jasmine a toujours eu du mal à considérer que certaines personnes puissent être capables de faire de telles choses. Elle voit le bien chez tout le monde, ce qui, en soit, est une qualité. Mais cette qualité ne vaut rien lorsqu'on prend conscience du monde dans lequel on vit. Un monde sans pitié, cruel et implacable. L'amour et la compréhension y ont très rarement leur place.
« - On a tous un peu de mal en nous, Jasmine. » je soupire en haussant les épaules, comme si ça pouvait tout expliquer.
Elle baisse la tête, peinée mais d'accord avec moi. Puis après un court silence, elle relève les yeux, une lueur d'espoir traversant ses pupilles.
« - Tu aurais une idée ? s'enquit-elle en se penchant vers moi. De qui ça pourrait être ? Qui aurait pu faire une telle chose ? »
Je pousse un lourd soupir, aussi impuissante qu'elle face à cette situation.
« - Je vois... » souffle-t-elle, découragée.
Nous restons encore dix bonnes minutes là, affalées sur son lit, chacune plongée dans ses propres réflexions. Puis je me redresse légèrement et lance, autant pour détendre l'atmosphère que par gourmandise :
« - Je vais me chercher une glace. T'en veux une ? »
Un petit sourire se dessine sur ses lèvres.
« - Oui, je veux bien. »
« - Espérons que maman n'ait pas tout mangé... »
Elle éclate de rire, dépitée.
« - Tu ne crois pas si bien dire... Je l'entends se lever la nuit et fouiller dans les congélos d'en bas... »
Je marque une pause, surprise.
« - Les congélos ne sont plus en haut, à la cuisine ? »
« - Nope. Papa les a descendus en bas, dans la cave. Va savoir pourquoi... »
J'esquisse une grimace.
« - Cette cave m'a toujours foutu les jetons... »
Ma sœur se renfonce un peu plus dans le matelas, les deux mains derrière la tête.
« - T'inquiètes, la prochaine fois, c'est moi qui y vais ! »
« - J'espère bien. »
Après un dernier sourire complice, je me dirige vers les escaliers menant au rez-de-chaussée. Je passe devant la chambre de mes parents, dont la porte est légèrement entrouverte. Un bruit de froissement de pages me parvient, me faisant sourire de plus belle. Papa doit être en train de lire, comme à son habitude. Et maman doit sûrement déjà être en train de dormir.
Je passe discrètement devant leur porte et me rends à la cave, située tout au fond d'un couloir. La porte rouillée grince lorsque je l'ouvre, me faisant grimacer. Normalement, l'interrupteur devrait se trouver à droite. J'appuie dessus, et la seule ampoule qui se trouve au fond de la cave déverse sa lumière grésillante. Bizarrement, ça me rassure encore moins. J'ai toujours trouvé cette cave glauque, éclairée ou non.
Àmesure que je descends les marches en bois, craquant sous mon poids,un froid de canard m'envahit. J'enroule mes bras autour de moi,dans une tentative de me réchauffer un peu. En vain. J'accélèredonc le pas, pressée d'en finir au plus vite. Je récupère lesglaces et je remonte en piquant un sprint.
Malgré la faible lumière de l'ampoule, la cave reste sombre et plongée dans la pénombre. Après avoir descendu les escaliers, je me rends devant un des congélos. Leur vibration me rassure un peu, car je suis persuadée que j'aurais eu encore plus la trouille si tout avait été calme. Le silence ne m'a jamais bien rassurée.
Je récupère les glaces d'une main tremblante, gelée par le froid, et m'apprête à remonter à l'étage... Mais quelque chose attire mon attention. Je me fige, le cœur battant. Sous la faible luminosité de l'ampoule, des bottes ont été posées dans un coin. Elles sont à moitié camouflées dans la pénombre, mais j'arrive quand même à les distinguer. Et leur seule vision me provoque des sueurs froides dans le dos.
J'aimerais ne pas les reconnaître. J'aimerais remonter les escaliers, comme si de rien n'était, et continuer ma conversation avec Jasmine. J'aimerais ne pas me souvenir. J'aimerais ne pas me rapprocher de ces bottes pour mieux les observer. Pourtant, c'est ce que je fais. Et j'ai l'impression de me liquéfier sur place, là, sous la lumière grésillante de l'ampoule au-dessus de ma tête. Je fixe ces bottes noires, et je me demande comment elles sont arrivées ici. Même si, en réalité, je sais très bien comment.
Je ne veux juste pas accepter cette idée.
Le souffle court et le cœur tambourinant dans ma poitrine, je me retourne vers les escaliers, prête à me ruer dehors, loin de cette maison, loin de cette personne à qui j'accordais encore toute ma confiance.
Ma main droite est engourdie par le froid des glaces qu'elle tient encore. J'esquisse un pas en avant, m'apprêtant à prendre mes jambes à mon cou, lorsqu'une silhouette se dessine en haut des marches. Mon cœur manque un battement.
La voix de papa retentit dans le silence, calme et posée.
« - Ma puce ? »
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Time Travelers - Tome 1
Paranormal𝐸𝑡 𝑠𝑖 𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑎𝑣𝑖𝑒𝑧 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑠𝑠𝑖𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒 𝑟𝑒𝑚𝑜𝑛𝑡𝑒𝑟 𝑙𝑒 𝑐𝑜𝑢𝑟𝑠 𝑑𝑢 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠... 𝑙𝑒 𝑓𝑒𝑟𝑖𝑒𝑧-𝑣𝑜𝑢𝑠 ? Depuis un an, Louna ne vit plus. Tourmentée par ses choix passés et submergée par les regrets, elle pren...