CHAPITRE 27

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Il n'y a pas de rafales de vent, cette fois-ci. Ni de sable. La main toujours serrée dans celle de Mike, je le suis à tâtons dans le noir. Il vient de fermer la porte derrière nous, nous plongeant dans un profond silence.

« - On est où ? » je chuchote, et ma voix se répercute entre les murs.

Ma main commence à devenir moite, serrée de la sorte dans la sienne. Mais je n'ose pas la retirer.

« - Dans un endroit où on sera en sécurité. » me répond-t-il dans un murmure.

Il s'avance de quelques pas dans le noir, et je le suis avec hésitation. Après quelques minutes où je l'entends buter sur ce qui semble être des meubles et pousser des jurons, la pièce s'illumine soudain. Je cligne des yeux, éblouie, puis découvre enfin la pièce dans laquelle nous nous trouvons. Elle est plutôt petite, mais très cozy, avec son sofa rouge – quoiqu'un peu usé – et ses murs de pierre qui me font penser à l'intérieur d'un chalet. Je remarque aussi un comptoir, un lavabo et une plaque chauffante. Un chalet luxueux, donc.

Je ne cesse de pivoter sur moi-même, admirant les tableaux accrochés sur les murs, représentant des montagnes en neige et des stations de ski. Il y a aussi des photos de famille dans des cadres, posés sur la petite table près du sofa. On y voit deux enfants. Une fille et un garçon, souriant de toutes leurs dents à l'objectif.

Leurs parents, quant à eux, semblent crispés et raides comme des piquets, comme s'ils avaient été obligés de poser aux côtés de leurs enfants. La femme est grande et élancée, les yeux bleus et les cheveux blonds, tirés en arrière dans un chignon strict. L'homme est aussi grand qu'elle, sinon plus. Je n'ai aucun mal à le reconnaître, avec ses longs cheveux noirs et son regard scrutateur. Le directeur du milieu. Le père de Mike.

Mes yeux s'attardent sur Mike, enfant. Un grand sourire aux lèvres, de grands yeux noirs à la lueur espiègle... Qu'est-ce qui a changé depuis ?

Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions. Mike vient de retirer sa main de la mienne. Même après quelques minutes, la moiteur de sa paume demeure quelques instants.

« - Cette maison t'appartient ? » je lui demande en fixant les portraits de famille.

Sa main retourne brusquement les cadres sur la table. Les visages disparaissent. Je lève les yeux vers lui, surprise.

« - Non. Plus maintenant, lance-t-il en me fixant. Mais c'est le seul endroit où on sera en sécurité, le temps de trouver une solution. »

Il se dirige vers le comptoir pour se servir un verre d'eau, tandis que je reste plantée au milieu de la pièce, les bras ballants. Le temps de trouver une solution ? On ne pourra pas éternellement fuir la Commission, surtout si les trois directeurs de Nastara s'en sont mêlés... D'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi ils l'ont fait. Leur devoir est de s'occuper de leur école, et non des délinquants.

Je pousse un soupir et m'affale dans le sofa, épuisée par toutes ces questions sans réponse.

« - Tu veux un coca ? » me demande Mike, une main sur la poignée du frigo.

Je hoche la tête avec un sourire.

« - Oui, je veux bien. »

Il sort deux cannettes et me tend l'une d'elle. Elle est gelée, mais sa fraîcheur me fait du bien, après la longue journée qu'on vient de passer. Mike s'installe à côté de moi, à une distance respectable, même si c'est compliqué, vu la taille du sofa. Nous buvons notre boisson en silence, les yeux rivés devant nous. Honnêtement, je ne sais plus comment agir avec lui. Je lui faisais confiance, je l'ai détesté puis je lui ai refait confiance... Mes émotions tournent en bourrique avec lui.

Mais je dois le reconnaître, malgré moi : il m'a bien sauvée la peau, cette fois-ci. Seul Dieu sait ce qu'il me serait arrivée si j'étais restée dans ce désert.

« - Merci. »

Ce mot est sorti de ma bouche sans même que je ne m'y attende, comme si ma pensée s'était exprimée à voix haute. Mike se tourne vers moi, un bras accoudé sur le rebord du sofa. Ses yeux verts me fixent avec un mélange de surprise et de perplexité.

« - Pourquoi ? »

Je détourne le regard vers la table basse, où les photos de famille gisent face contre terre.

« - D'être venu. »

Un long silence s'installe. Je sais qu'il comprend ce que je veux dire. J'attends, ma cannette de coca gelée entre les doigts. Mon regard reste fixé devant moi, mais je vois dans ma vision périphérique qu'il est en train de me fixer, moi. Après de longues secondes interminables, il finit par me répondre, d'une voix songeuse et lointaine.

« - De rien. »

***

« - Tu peux dormir ici. J'irai dormir sur le canapé. »

Je hoche la tête en me tordant les mains, gênée de le virer de sa propre chambre – même s'il ne cesse de m'assurer que ce n'est plus sa chambre. Je jette un coup d'œil à la pièce : elle est située à l'étage – j'ignorais jusqu'à maintenant qu'il y avait un étage – et se trouve juste devant les escaliers qui mènent au rez-de-chaussée où nous étions tout à l'heure. La chambre est plutôt grande. Elle possède un lit deux places, une armoire à vêtements et même une cheminée. Son papier peint jaune lui donne une atmosphère chaleureuse et douillette.

Je m'y sens déjà bien.

Mike a l'air encore plus gêné que moi, bien que ce soit moi qui lui ai pris sa chambre. Il reste planté devant mon lit, le regard fixé sur ce dernier. La lumière douce de l'ampoule au-dessus de lui baigne ses cheveux de doré. Ses yeux verts se posent sur moi, intenses et scrutateurs.

Alors que je pense qu'il va ajouter quelque chose, il se contente de dire voilà et de tourner les talons.

« - Bonne nuit ! » je m'exclame.

Il s'arrête sur le pas de la porte, dos à moi.

« - Bonne nuit. »

Puis il referme la porte derrière lui, sans un regard en arrière. Je pousse un soupir, soulagée qu'il soit parti. Ça commençait à devenir bizarre. Je m'écroule sur le lit. Le matelas et les oreillers moelleux me plaisent instantanément. Je reste un long moment couchée, les mains posées sur le ventre, à fixer le plafond. J'entends Mike au rez-de-chaussée. Ses pas sur le parquet, le frigo qui s'ouvre, le froissement d'une couverture, le bruit d'un interrupteur... On entend vraiment tout à travers ces murs. Ils n'ont pas l'air d'être bien isolés.

Je me lève du lit, me débarrasse de mes habits collants et enfile un short et un tee-shirt que Mike a bien voulu me prêter. Ils sont un peu trop grands pour moi, mais confortables. Je me faufile sous les couettes et éteins la lumière. L'obscurité envahit la chambre, mais elle ne m'effraie pas. Bizarrement, je me sens bien dans cette pièce, dans cette petite maison. On s'y sent en sécurité, protégés.

Le vent siffle sous les toits. Je l'écoute un instant. On dirait une petite mélodie.

Je pense à mes parents et à Jasmine. J'espère qu'ils vont bien. Je regrette de ne pas avoir pris mon talkie-walkie avec moi. Mais en y réfléchissant bien... ce n'est même pas sûr qu'il aurait fonctionné. Il se serait sûrement désactivé au moment où j'aurai passé la porte. Les objets magiques ne supportent pas les voyages temporels.

Je me retourne, un bras replié sous la tête, et ferme les yeux. Le bruit régulier du vent m'accompagne, tandis que je plonge dans les bras de Morphée.







Time Travelers - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant