Comment ai-je pu être aussi bête ? J'aurais dû m'y attendre... Un piège. C'était un piège, et je me suis faite avoir en beauté. Mais je n'ai pas peur. Je n'ai plus peur. La colère a pris le dessus. Je commence sérieusement à en avoir marre qu'on s'amuse avec moi. C'est terminé. Je compte bien ne plus me laisser faire.
Je tourne en rond dans la pièce, cherchant un moyen de me sortir de ce pétrin. Analysons calmement les faits. J'ai cru que la chatte de mes parents était coincée dans la réserve, alors j'y suis allée, alertée par ses miaulements. Quelques minutes plus tard, lorsque je me penche pour l'attraper, je me rends compte qu'Emerald s'est transformée en une sorte de dictaphone. Incroyable. Puis la porte se referme derrière moi - et je ne pense pas que ce soit à cause d'un courant d'air - me retenant prisonnière dans la réserve. Voici les faits. Et je ne suis pas sûre de les apprécier.
En un mot, je suis bel et bien dans le pétrin.
***
Je me redresse vivement, les yeux piquants de fatigue. Les pensées se mélangent dans ma tête, embrouillant mon esprit déjà bien embrumé. Quelle heure est-il ? Je me suis endormie ? J'ai affreusement mal au dos et à la tête. Je m'assois en tailleur et bats des paupières, le temps d'habituer ma vue à l'obscurité. J'aperçois une lueur traverser le bas de la porte. Il va bientôt faire jour, maintenant. Je me prends à espérer que papa vienne à la bibliothèque - si ce n'est pas lui qui m'a enfermée dans la réserve - et me sorte de ce cauchemar. Sûrement pour m'y faire plonger dans un autre, mais soit. Ce sera toujours moins pire que la nuit atroce que je viens de vivre.
Je me redresse péniblement, les membres engourdis, et m'avance jusqu'à la porte. Je m'acharne sur la poignée cinq bonnes minutes, avant de me rendre à l'évidence. Celui qui m'a enfermée cette nuit n'a pas eu la bonté de me délivrer pour la journée. Non, je n'ai plus qu'à attendre demain, lorsque mes parents viendront travailler. Je ne sais pas si j'aurai la patience d'attendre jusque-là...
Un énorme fracas vient interrompre le cours de mes pensées. Je suis projetée en arrière par une bourrasque de vent. Mes cheveux se plaquent à mes joues. Je recule jusqu'à me coller contre le mur, abasourdie. Devant moi, la porte vient de s'ouvrir à la volée. Un inconnu en sort et est violemment projeté au sol. Malgré son air fatigué et le duvet qui a poussé sur sa mâchoire, je le reconnais sans peine.
« - Mike ?! »
Ce dernier me jette un rapide coup d'œil avant de se tourner vers la porte. Il la referme précipitamment, comme si quelque chose risquait d'en sortir. Puis avant que je n'aie le temps de reprendre ma respiration, il se jette sur moi, ses mains plaquées sur mes joues.
« - Ça va ? Tu vas bien ? » s'enquit-il, ses yeux fouillant les miens avec appréhension.
Je le contemple sans un mot, sous le choc. Je n'arrive pas à croire qu'il soit là. En chair et en os. C'est trop beau pour être vrai, trop... Et si... Et si c'était encore un piège ? Je me dégage de sa prise et me redresse en titubant, l'esprit embrumé. Mike continue de me fixer, une expression de douleur sur le visage.
« - Il t'a tout dit. » souffle-t-il en se redressant à son tour.
Je le dévisage en silence, incapable de répondre quoi que ce soit. De quoi est-ce qu'il parle ? Après quelques secondes de flottement, il se met à marcher en rond, son visage enfoui dans ses mains. Un sanglot s'échappe de ses lèvres. Je sursaute, prise au dépourvu. Il est en train de pleurer ? Mike est en train de pleurer. Et cette image me déchire le cœur. Je voudrais le serrer dans mes bras, lui promettre que quoi qu'il se passe, tout ira bien, tout ira mieux. Mais un sentiment plus fort, enfoui au plus profond de moi, me hurle de le laisser parler encore un peu.
L'instinct. L'instinct me pousse à attendre ce qu'il va ajouter.
Mike s'est arrêté de pleurer. Des reniflements me parviennent de derrière ses mains, toujours plaquées sur son visage. Ses épaules tressautent inlassablement, au rythme de sa respiration tremblante. J'esquisse un pas en avant mais me ravise, les poings serrés. Je dois lutter contre moi-même pour ne pas me jeter dans ses bras.
Puis, enfin, ses mains quittent son visage, livide et larmoyant. Je ne l'ai jamais vu dans cet état. Et j'aurais aimé ne jamais le voir dans cet état.
« - Je suis désolé... réussit-il à articuler entre deux hoquets. Putain... Je suis tellement désolé, Louna. »
Mon souffle s'accélère. Désolé ?
« - Je... Je voulais pas, je te le jure... continue-t-il en secouant la tête. J'ai appris à te connaître et... et j'ai voulu tout arrêter. »
Ses yeux remplis de larmes tentent de s'accrocher aux miens, mais je détourne le regard. Quelque chose vient de se briser en moi, là, quelque part. Ce quelque chose est en train de giser à mes pieds, inerte, figé. Je crois que c'est mon cœur. Oui, ça doit être ça.
Car je ne l'entends plus battre dans ma poitrine.
« - Louna... Regarde-moi. S'il te plaît, regarde-moi. »
Je relève les yeux vers lui, le visage impassible. Après de longues minutes, durant lesquelles je cherche mon souffle, je lui demande, d'une voix à peine audible :
« - Qu'est-ce que tu as fait ? »
La surprise se peint sur ses traits. Il secoue la tête, comme si ça n'avait pas d'importance, comme si tout ce qu'il venait de me dire n'avait pas d'importance. Mais ça en a. Si j'en crois la douleur qui m'étreint la poitrine, ça en a.
« - Qu'est-ce que tu as fait ? » je répète, le visage toujours impassible.
Il effectue un mouvement pour me toucher, mais je m'écarte brusquement, les poings serrés. Je sens la colère monter. Elle est là, tout prêt, prête à surgir comme une marée qui viendrait me noyer.
« - Réponds-moi. » je lui ordonne d'une voix neutre.
Ses yeux fouillent les miens avec désespoir, puis une grimace douloureuse se dessine sur son visage. Ses sanglots le reprennent, intarissables.
« - Je voulais pas... Je t'assure... je t'assure que je voulais p... »
« - RÉPONDS-MOI ! » je le coupe dans un cri où se mêle la colère et le désespoir.
Les larmes me montent aux yeux. Je les laisse dégouliner le long de mes joues, sans effectuer un geste pour les arrêter. J'espère secrètement que la tristesse m'envahisse, et qu'elle me fasse disparaître à tout jamais.
Après un long silence, seulement interrompu par le bruit saccadé de nos sanglots, Mike finit par souffler, d'une voix si brisée que je peine à la reconnaître :
« - Je... J'ai reçu l'ordre de t'emmener loin de ta famille, loin de Naefecia et... »
Je me détourne de lui, ne l'écoutant déjà plus. Les pensées se mélangent dans ma tête. La douleur, la trahison et le désespoir me coupent le souffle. Pourtant, Mike continue, la voix tremblante.
« - C'est mon père, tu comprends ? Je devais le faire. Je... Je devais gagner ta confiance et... »
« - Pourquoi ? »
Je me retourne brusquement vers lui, le visage ruisselant de larmes.
« - De... Quoi ? » souffle-t-il, pris au dépourvu.
Je redresse le menton et, le visage impassible, je répète le seul mot qui me soit venu à l'esprit.
« - Pourquoi ? »
Il ouvre la bouche, mais rien n'en sort. Ses yeux verts me contemplent avec désespoir. Les miens, eux, se font tristes et résignés. Je secoue lentement la tête, et un large sourire apparaît à travers les larmes qui menacent de m'engloutir.
« - Je vois. »
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Time Travelers - Tome 1
Paranormal𝐸𝑡 𝑠𝑖 𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑎𝑣𝑖𝑒𝑧 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑠𝑠𝑖𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒 𝑟𝑒𝑚𝑜𝑛𝑡𝑒𝑟 𝑙𝑒 𝑐𝑜𝑢𝑟𝑠 𝑑𝑢 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠... 𝑙𝑒 𝑓𝑒𝑟𝑖𝑒𝑧-𝑣𝑜𝑢𝑠 ? Depuis un an, Louna ne vit plus. Tourmentée par ses choix passés et submergée par les regrets, elle pren...