CHAPITRE 17

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« - Je suis tellement tellement soulagée ! »

À peine suis-je sortie du tribunal que ma génitrice s'est jetée sur moi pour me demander quelle décision avait prise la Commission. Je lui ai à peine annoncé qu'ils me libéraient qu'elle a commencé à sauter de joie et à serrer tout le monde dans ses bras. Papa n'est pas aussi enthousiaste qu'elle. Il continue de me dévisager avec inquiétude, une main posée sur mon épaule.

« - Et ? » s'enquit-il avec hésitation.

Maman s'immobilise, interdite.

« - De quoi et ? » lui demande-t-elle, son sourire se fanant sur ses lèvres.

« - Il y a toujours une contrepartie, ma douce... lui explique papa avec un sourire contrit. Louna a dû accepter une condition pour le prix de sa liberté. N'est-ce pas, chérie ? »

Je hoche sombrement la tête, à la fois révoltée et dépitée par cette condition.

« - Évidemment ! s'exclame ma génitrice en secouant la tête. Ils ne donnent jamais rien sans rien, j'aurais dû m'en douter... »

« - Quelle est la condition, Lou' ? » me demande Jasmine, inquiète.

Je les contemple tous les trois, le visage grave, puis souffle à contrecœur :

« - À partir de ce jour et jusqu'à l'année prochaine, je suis soumise à l'autorité et aux règles de Mike Thompson. »

Rien que prononcer son nom m'écorche la gorge. Alors que papa et Jasmine m'observent d'un air désolé, maman, elle, paraît extrêmement soulagée.

« - Ce n'est que ça ? s'étonne-t-elle en retrouvant sa bonne humeur. Il ne faut pas se mettre dans un tel état pour si peu, ma fille ! Ce serait un plus si tu pouvais habiter chez lui, d'ailleurs... si ce n'est pas déjà obligatoire ! Apparemment, la maison des Thompson serait un véritable palace ! Tu seras traitée comme une reine. »

Je cligne des yeux, stupéfaite. Depuis quand connaît-elle la famille de Mike ? Ma sœur se pose sûrement la même question, car elle se tourne vers elle et lui demande à ma place :

« - Tu connais les Thompson ? »

Notre génitrice part d'un grand éclat de rire, comme si ce que venait de dire Jasmine était de la plus grande hilarité. Après avoir retrouvé son calme, elle nous dévisage en s'essuyant les yeux.

« - Évidemment ! Quelle question ! Tout le monde les connaît, sans exception ! s'exclame-t-elle d'un air outré. Même toi, Louna ! »

Je demeure abasourdie, ne me souvenant vraiment pas quand j'aurais pu les rencontrer.

« - Désolée, maman, mais je n'ai pas le souvenir d'avoir rencontré un autre Thompson, autre que Mike... »

Encore heureux... Si toute sa famille est comme lui, à la fois lunatique et imprévisible, je ne donne pas cher de ma peau...

« - Mais si, enfin ! s'emporte ma génitrice en effectuant de grands gestes. Comment as-tu pu oublier, jeune sotte ? »

Je la dévisage, toujours aussi désorientée. J'ai beau me plonger dans mes souvenirs, je ne vois vraiment p...

« - Tu as rencontrée son père dès ton premier jour à Nastara ! »

Je me fige, les battements de mon cœur s'accélérant dans ma poitrine.

« - Ah ! Tu te souviens, maintenant ! » me sourit maman en hochant la tête.

Puis elle se tourne vers papa et Jasmine et leur annonce d'une voix théâtrale :

« - Le père de Mike est Monsieur Thompson, l'un des directeurs de Nastara ! »

Le directeur du milieu. Le seuil qui ait daigné m'adresser la parole.

***

« - Tu t'entends bien avec lui ? »

« - Avec qui ? »

« - Eh bien... Mike ! »

Je pousse un soupir en rabattant mon coussin sur mon visage. Je ne veux plus entendre parler de lui. J'aurai déjà bien l'occasion de voir sa tête d'hypocrite tous les matins en me levant...

« - Alors ? » insiste Jasmine en m'enlevant le coussin du visage.

Je me redresse en tailleur et laisse retomber mes bras sur le matelas d'un geste impuissant.

« - Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Qu'il est gentil, prévenant et généreux ? Que c'est un parfait gentleman ? » je lance d'une voix ironique.

Ma sœur me fixe quelques secondes, le visage impassible, puis pousse un long soupir.

« - S'il te fait quoi que ce soit de... mal, je veux que tu m'en parles, d'accord ? »

J'éclate d'un rire sans joie.

« - Qu'il essaie de me faire du mal, et il verra ce qui l'attendr... »

« - Louna. »

Je m'immobilise, interdite. Une lueur d'inquiétude est apparue dans le regard de ma sœur, d'ordinaire si calme et si sûre d'elle.

« - Jasmine... Ça va aller, t'inquiètes pas, je la rassure avec un sourire. Certes, il est chiant, égoïste, agaçant et riche... »

Ma sœur pousse un petit rire en levant les yeux au ciel.

« - ... mais ça va le faire, je poursuis en essayant secrètement de m'en convaincre moi-même. Je suis plus coriace que ce que tu penses... »

Elle secoue la tête en me contemplant tendrement, le sourire aux lèvres.

« - Crois-moi, Lou', je le sais. »

Ses mains attrapent les miennes et les étreignent doucement. Elles sont douces et délicates. À cet instant, ma sœur me paraît être redevenue une petite fille. Fragile, vulnérable... et terriblement triste.

« - Tu vas me manquer. »

Les larmes lui montent aux yeux, provoquant la même réaction chez moi. Je l'attire dans mes bras et la serre fort, humant son parfum qui m'est si familier.

Ma sœur.

Celle qui m'a toujours soutenu, celle qui me défendait lorsque personne ne le faisait, celle qui m'a protégée avant même de se protéger, elle... Celle qui m'a aimée et qui continuera de m'aimer de tout son cœur, peu importe qui je deviens ou quel chemin j'emprunterai.

« - Tu vas me manquer aussi. » je murmure dans son cou, la gorge nouée.

Nous restons dans cette position de longues minutes, nos respirations fébriles et accélérées. Je ne sais pas comment je vais faire sans elle. J'ai toujours dit qu'Arthur était mon pilier. Et que quand il est parti, je me suis retrouvée sans repère, totalement perdue et déboussolée.

J'étais trop submergée et aveuglée par ma tristesse pour me rendre compte qu'il n'était pas le seul pilier de ma vie.

Il y avait ma famille. Prête à me réconforter, prête à porter ma peine sur leurs épaules, prête à me soulager... Mais je les ai rejetés. Je pensais qu'ils me prendraient pour quelqu'un de faible si je craquais devant eux. J'avais tout faux. Pleurer ou exprimer à voix haute votre douleur ne fait pas de vous quelqu'un de pathétique ou de fragile. Bien au contraire. Ça montre à quel point vous êtes courageux. Ça montre à quel point vous n'avez pas honte de vous écrouler pour mieux vous relever.

Car parfois, c'est ça, la vie.

S'écrouler pour mieux se relever. 







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