Je récupère la clé qui se trouve sous un des pots de fleurs et ouvre la porte de la bibliothèque. À l'intérieur, tout est calme et sombre. Je m'empresse d'allumer quelques bougies, que je dispose sur les quelques tables de libre.
Après m'être faite remballée par Adélaïde, le seul autre endroit qui m'est venu à l'esprit pour passer la nuit et où je serai en sécurité, c'est la bibliothèque de mes parents. Elle est grande, spacieuse et elle m'est familière. Je ne compte pas le nombre d'heures que j'ai passées ici, à lire des bouquins ou à simplement me balader entre les rayons...
Je referme à clé la porte derrière moi et attrape une couverture posée sur un des sofas. Il fait un froid de canard, ici. Si j'en crois mes calculs, on est mardi. Et papa et maman travaillent le lundi, jeudi et samedi. Mais on ne sait jamais, avec eux. Surtout avec papa, en fait. Ça lui arrive de venir à la bibliothèque durant ses jours de congé, où il profite de son temps libre pour ranger des papiers ou faire du tri dans les rayons.
Je m'attends à tout venant de lui, à présent. Les larmes me montent aux yeux, mais je les chasse d'une main rageuse. Tu ne dois pas te laisser aller. Je dois rester concentrée sur les choses qui comptent vraiment, sur les personnes qui comptent vraiment. Et papa n'en fait plus partie.
Avec une grande inspiration, je redresse les épaules et monte à l'étage, où je serai plus tranquille pour la nuit, cachée derrière tous ces rayons de livres. Je grimpe les escaliers d'un pas mou, sentant déjà la fatigue me gagner. Mes paupières s'alourdissent, mon corps s'engourdit et un bâillement m'échappe.
Alors que j'arrive enfin tout en haut, un bruit me fait sursauter. Je me fige, tous les sens en alerte. C'était un bruit sourd, à peine perceptible. Mais j'ai une très bonne ouïe. Et avec tout ce qui m'arrive en ce moment, je me montre plus prudente que jamais.
J'attends, plantée au milieu des escaliers, un autre bruit qui ne vient pas. Après de longues secondes de pure angoisse, une petite ombre apparaît sur un des murs devant moi. J'ai à peine eu le temps de la voir. Elle se déplace vite, avec agilité, se fondant dans l'obscurité comme si elle ne faisait qu'une avec elle. Lorsque l'ombre se précipite vers moi, je recule instinctivement et étouffe un cri de terreur entre mes mains. L'ombre, peu à peu, se transforme en une petite boule de poils sur pattes, qui se met à se frotter à mes jambes. Un soupir de soulagement s'échappe de mes lèvres.
« - Emerald ! je souffle, le cœur prêt à exploser. Tu m'as fait une de ces peurs... ! Ça va pas ?! »
La chatte de mes parents me dévisage avec ses grands yeux verts, comme si elle ne savait pas de quoi je parlais. Je la prends dans mes bras et enfouis mon visage dans sa fourrure.
« - Mais bon... Je suis contente de te voir. Ça faisait longtemps. »
Ne tenant pas en place, elle se dégage de mon étreinte pour filer entre les rayons. Je secoue la tête, à la fois amusée et atterrée.
« - C'est vrai que ça ne fait que quatre jours, pour toi... »
Je pousse un soupir et, le plaid plié sous un bras, je me dirige sur le chemin qu'a emprunté Emerald. Je la retrouve couchée en boule entre deux livres, ronronnant comme si quelqu'un était en train de la caresser. Je m'installe à ses côtés, les jambes repliées sous mon menton, et ne tarde pas à m'endormir, bercée par le doux ronflement du félin.
***
Je me réveille en sursaut, un drôle de sentiment m'étreignant la poitrine. Emerald n'est plus à mes côtés. Je me frotte les yeux, le temps de m'habituer à l'obscurité, et la cherche entre les rayons.
« - Emerald ? »
Un miaulement lointain me parvient. Plaintif, douloureux. Je me lève d'un bond et, le cœur battant, je me dirige vers le son. Le parquet craque sous mes pas. J'avance progressivement, en essayant de me faire la plus discrète possible. J'ai comme un mauvais pressentiment. Il m'étreint la gorge, la poitrine. Il m'étouffe. Le miaulement s'intensifie, de plus en plus désespéré. J'accélère le pas, les mains et le dos moites de sueur. J'arrive, Emerald. J'arrive.
Le miaulement s'est tu. Je m'arrête de marcher, terrorisée par le silence qui vient de s'abattre. C'est encore pire que tout. Durant ces quelques secondes, j'ai l'impression de n'entendre que les battements de mon cœur, de plus en plus effrénés. Puis, lentement, le miaulement s'élève dans le silence. Il est tout près, maintenant. Je continue d'avancer, à la fois terrifiée et déterminée.
Le son plaintif d'Emerald devient de plus en plus clair, distinct. Il vient de la réserve où on dispose les livres qui attendent d'être rangés. Personne ne possède la clé à part mes parents. Mais ça ne peut pas être eux... C'est moi qui ai les clés. À part s'ils ont un double...
Je pose ma main tremblante sur la poignée, et hésite entre ouvrir ou m'enfuir en courant. Les miaulements d'Emerald continuent, de plus en plus désespérés. Je ne peux quand même pas la laisser là-dedans... J'ouvre, je la prends et je me rue hors de cette bibliothèque. C'est aussi simple que ça.
Après un long débat intérieur, je décide finalement d'ouvrir la porte. Les miaulements de la chatte m'accueillent, bruyants et plaintifs. Le souffle court, je tambourine de ma main l'interrupteur. Évidemment, il ne fonctionne pas.
« - Pourquoi ce genre de truc doit m'arriver à moi... ? » je soupire en essayant de garder mon calme.
Les mains tendues devant moi, je me dirige à l'aveuglette dans la pièce exiguë, les miaulements de la chatte me guidant dans le noir.
« - Je suis là... je suis là. » je souffle.
Arrivée au milieu de la pièce, je me baisse pour prendre Emerald... mais ne rencontre qu'un objet carré entre mes mains. Les miaulements de la chatte se poursuivent, et se font de plus en plus forts lorsque j'approche l'appareil de mon oreille.
Je commence à comprendre. Et mon visage se décompose. Je lâche l'objet, qui vient rebondir sur le parquet, retentissant encore de miaulements désespérés.
« - Que... Quoi ? »
Avant que je n'esquisse un mouvement, la porte se referme brusquement derrière moi, me plongeant dans une obscurité des plus totales.
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Time Travelers - Tome 1
Paranormal𝐸𝑡 𝑠𝑖 𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑎𝑣𝑖𝑒𝑧 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑠𝑠𝑖𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒 𝑟𝑒𝑚𝑜𝑛𝑡𝑒𝑟 𝑙𝑒 𝑐𝑜𝑢𝑟𝑠 𝑑𝑢 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠... 𝑙𝑒 𝑓𝑒𝑟𝑖𝑒𝑧-𝑣𝑜𝑢𝑠 ? Depuis un an, Louna ne vit plus. Tourmentée par ses choix passés et submergée par les regrets, elle pren...