CHAPITRE 12

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« - La lectrice... »

Il ne me regarde pas et reste absorbé par la flamme de son briquet, qu'il fait danser à l'aide de son doigt. Il va finir par se brûler, s'il continue comme ça...

« - Qu'est-ce que tu fais là ? »

« - Je pourrais te poser la même question. » je réplique aussi sèchement qu'il s'est adressé à moi.

Il daigne enfin m'adresser un regard. Un coup d'œil rapide et indifférent. Ses yeux verts brillent dans la pénombre et me font penser à ceux d'un chat. Je ne remarque que maintenant ce qu'il tient entre ses lèvres. Une cigarette.

« - Tu comptes vraiment fumer dans l'enceinte de l'école ? » je ne peux m'empêcher de lui demander, ahurie.

Il garde le silence un long moment, durant lequel il éteint son briquet, puis lance d'une voix lasse :

« - Je suis pas aussi débile... Et puis qu'est-ce que ça peut te faire ? »

Je demeure interdite, les sourcils froncés. S'il veut se faire prendre par un prof, alors grand bien lui fasse...

Le silence lourd et la pénombre dans laquelle nous sommes plongés ne me rassure pas. J'aimerais lui demander de rallumer son briquet, mais je n'ai pas envie qu'il croit que j'ai peur du noir – même s'il n'y a aucune honte à ça, hein... mais je ne préfère pas.

« - Et toi, qu'est-ce que tu fais là ? » je m'enquiers pour relancer la discussion et combler le silence.

J'aperçois sa silhouette se redresser légèrement, puis sa voix rauque s'élève dans le couloir.

« - J'attends quelqu'un. »

« - Moi aussi. »

Comme c'est ironique.

« - Tu attends qui, toi ? » je demande nonchalamment.

« - ... »

J'attends en vain sa réponse, qui n'arrivera jamais. Je pousse un soupir fatigué.

« - OK. »

Sa tête se tourne imperceptiblement vers moi. Ça m'angoisse de ne pas voir son visage. Il fait trop sombre dans ce couloir, trop noir... Un souvenir récent me revient en mémoire. Ma dispute avec Mike, il y a quelques jours. Je l'ai remballé sèchement et cruellement alors qu'il voulait simplement m'aider et me protéger des possibles conséquences d'un voyage temporel. Enfin... je ne sais pas vraiment s'il voulait me protéger, mais en tout cas, il a essayé de me mettre en garde. Et je l'ai envoyé bouler.

« - Écoute... je souffle en me tripotant les mains, coupable. Je suis désolée pour la dernière fois. Tu sais... lorsque tu es venu chez moi. »

Un silence me répond, mais je sais qu'il m'écoute. Je prends une grande inspiration et poursuis d'une traite.

« - La vérité c'est que je me suis montrée égoïste... Très égoïste. J'en suis consciente. J'ai été aveuglée par mes propres motivations et je n'ai pas pris une seule fois en compte tes sentiments. Je suis désolée de t'avoir remballé aussi méchamment alors que tu as toujours été correct avec moi. Tu as accepté de m'aider, tu as donné de ta personne en prenant du temps pour m'apprendre toutes les connaissances nécessaires... et voilà comment je t'ai remercié. En te criant dessus. »

Mes yeux se perdent dans la pénombre qui camoufle son visage. J'essaie de deviner les émotions qui le traverse. Peut-être qu'il n'y en a aucune. Mais je suis soulagée. Je me suis excusée, et c'était sincère. Même si nous ne sommes que des collègues qui travaillent ensemble, rester en froid avec lui me rendait mal, et la culpabilité ne cessait de me tirailler.

Mike ne bouge toujours pas. Je peine même à entendre le souffle de sa respiration. Les bras ballants, je fixe l'obscurité dans l'attente d'une réponse, de quoi que ce soit qui puisse me dire qu'il me pardonne. Ou du moins qu'il n'est plus aussi énervé contre moi.

Je m'apprête à ajouter autre chose lorsqu'il ouvre enfin la bouche. Il souffle ces mots du bout des lèvres, si bas que je me demande si je n'ai pas rêvé :

« - Je suis désolé. »

Je m'immobilise, le cœur battant. Quoi ?

La porte au bout du couloir s'ouvre avec fracas, laissant passer une lumière aveuglante qui me fait plisser les paupières. Une voix grave et autoritaire tonne dans ma direction.

« - Louna Timer, vous êtes en état d'arrestation pour avoir tenté de pratiquer un voyage dans le passé, et par ce fait avoir osée défier les lois de notre monde. Vous serez mise en état de surveillance jusqu'à ce que la Commission décide de... »

Je n'écoute déjà plus. Une odeur âcre m'emplit les narines. Mes oreilles se mettent à bourdonner, ma vue se trouble. Avant que je ne m'évanouisse, mes yeux stupéfaits tentent de s'accrocher à ceux de Mike. Mais il ne me regarde pas une seconde, le regard tourné sur le mur face à lui et les épaules crispées.

Un trou noir semble m'engloutir. Mon corps s'engourdit. Un seul mot reste en suspens dans mon esprit, déboussolé et rageur.

Traître.







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