Bulan

Chapitre 12 :

Narratrice : Milla :

Mes yeux se dégagent de mon téléphone pour rencontrer le lac. J'ai... bien entendu ? :

« J'ai passé la nuit à réfléchir. », traîne-t-il des pieds vers les nénuphars.

Une chair de poule investit mes bras. Non, ce n'est pas la température en chute qui y contribue. Léandre se tient dos à moi, mais je devine son mal-être d'ici. :

« Tu sais comment on m'appelait quand j'étais petit ?

— ... Non ?

— Le poissard. Ou le maudit selon les jours. ».

Deuxième vague de frissons. Mon téléphone passe à deux doigts de se fracasser par terre. Il est sérieux. Pas de blague. Le ton n'est pas porté sur le second degré... :

« Je me suis toujours retrouvé dans des situations pas possibles. On a essayé de m'enlever quand j'étais petit... Un éclair a failli me frapper au collège... Un micro-onde m'a pété au visage...

— Léandre...

— En soit, tout va bien tant qu'on ne parle que de moi. Mais... », se retourne-t-il, le regard fuyant. : « Dès que je m'associe de près ou de loin à quelqu'un, il finit par subir ma malchance, lui aussi. ».

Le rapide résumé de cette triste soirée d'hier me frappe de plein fouet. Léandre a ruminé dans le mauvais sens. Les paroles de son père l'ont heurté à ce point... :

« Je jure que je frapperai ce lâche. ». :

« Quand ce n'est pas Sylvain qui se brûle la main en préparant le thé, c'est Sybille qui mange une claque. Quand ce n'est pas Liam qui tombe dans les escaliers de mon immeuble, c'est toi qui te retrouves dans un sale état mercredi... Tout ça parce que je suis dans vos vies. ».

L'amalgame me tue de l'intérieur. Mon inspiration douloureuse me sert à ne pas partir en vrille, à rester concentrée. Tout ce que je veux, c'est lui faire comprendre qu'il ne constitue en rien un problème. Ma main à couper qu'il considère que c'est le cas. :

« Léandre. Ce n'est pas de ta faute.

— Rien ne vous est jamais arrivé de la sorte avant qu'on ne se rencontre. », m'ignore-t-il. :

« Oui bon, tu connais pas toute ma vie non plus... ».

Du calme Milla. Il ne réfléchit plus comme à son habitude. Son calme et son rationnel naturels ne suivent pas la cadence de ses propos. :

« Viens t'asseoir. On va en discuter. ».

Pour réponse, ce borné attrape son sac, sans un regard. Son manque de considération pour ma proposition me consterne, puis me gave. :

« C'est donc mieux si nos routes se séparent. Pour vous protéger. ».

Ah... J'allais lever la voix jusqu'à ce que je comprenne ses réelles intentions.

Il veut partir. :

« ... ». :

« Je... On va trouver un moyen. Je ne vous mets pas à la porte, promis. Salut Milla. ».

Un pas.

Durant ce pas, mon cœur s'est emballé. Léandre est sérieux. Il va partir. :

« Non. ».

Un mot.

Un simple mot qui a dépassé mes pensées. Un mot qui l'arrête en pleine lancée. Il ne se retourne pas, mais serre les poings. :