Un arc-en-ciel en plein orage

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Aly

Deux semaines supplémentaires sont passées depuis ce fameux soir où Trent est venu sonner à ma porte. Deux semaines éprouvantes, durant lesquelles Iris s'est battue comme la petite guerrière qu'elle est. Le traitement joue beaucoup sur son humeur, mais jamais elle n'a baissé les bras. Je n'aurai jamais de mots assez forts pour décrire la fierté qui m'envahit quand je la regarde mener de front ce combat. Ses yeux ont éclairé mon chemin et son sourire a guidé mes pas ces dernières années, j'ai eu l'impression de naître quand elle a poussé son premier cri. J'ai cru mourir quand nous avons appris qu'un fichu crabe menaçait sa vie, et pourtant aujourd'hui, après la première phase, celle dite d'induction , alors même que j'attends le verdict du médecin, mon cœur reprend vie doucement, l'espoir coule dans mes veines, plus que jamais, j'y crois. Je regarde ce médecin qui détient entre ses mains mon avenir, celui de ma fille, il va déterminer celles que nous seront demain. Là encore, je pense à tout ces enfants, tout les petits copains, copines d'Iris, certains de son âge, d'autres plus âgés, d'autres qui n'ont que quelques semaines, qui se battent eux aussi pour vivre à quelques mètres de moi. Je pense à tout ces parents qui dans ce même bureau ont attendu, l'espoir leur nouant le ventre, le verdict du médecin. Combien de parents et d'enfants ont ici reçu de bonnes nouvelles, combien d'autres encore ont vu leur vie partir en éclat ? Combien de mamans, combien de papas ont ici pleuré leur enfant ? Je pense à tout ces merveilleux soignants qui chaque jour, veillent sur nos enfants, qui laissent de côté leur vie dès lors qu'ils se trouvent ici pour faire renaître des sourires sur des visages innocents, à tout ces médecins qui se battent sans relâche pour sauver des petits êtres que la vie n'épargne pas. Dans mon malheur, je me sens chanceuse, chaque personne ici à pris soin d'Iris, chacun d'entre eux aura à jamais une place particulière dans nos cœurs, ce sont des visages que l'ont n'oubliera jamais.

- Mme Orford, tout va bien ? Me dit-il

- Je suis désolée, je m'étais perdu dans mes pensées.

- Ce n'est rien, ne vous en faites pas. Bien, alors, comme vous le savez Iris a plutôt bien réagi durant toute cette phase d'induction, vous pouvez être fière d'elle.

- Je le suis docteur, si vous saviez.

- J'en ai une petite idée, croyez-moi, rigole-t-il. Je suis très heureux de vous annoncer qu'Iris est en rémission, la première phase a été concluante. Je ne vous cache pas que le chemin est encore long, mais nous sommes confiants. Vous allez pouvoir rentrer aujourd'hui. Nous partons sur la seconde phase, celle de consolidation qui durera huit mois durant laquelle Iris recevra une chimiothérapie par semaine. Généralement, Iris sera reçu ici, en hospitalisation de jour pour lui administrer le traitement. Il se peut aussi que nous la gardions trois ou quatre jours à certains moments, mais le plus gros se fera en journée. Je ne vous cache pas que cette phase peut-être compliquée, les cures étant plus espacées que pour la première phase, seront plus ''fortes''. Vous allez devoir être forte, le combat est encore long et même si la guérison est proche, le chemin ne sera pas de tout repos.

- Vous dites que ce sera plus intense mais quels seront les effets sur Iris, docteur ?

- Comme je vous le disais, le corps d'Iris à plutôt bien réagis jusqu'à maintenant, il se peut fortement qu'avec cette deuxième phase, les sautes d'humeur d'Iris soit beaucoup plus important, qu'elle ait des troubles du sommeil et de l'alimentation, il se peut aussi qu'Iris ''gonfle'', mais ce qui est généralement le plus éprouvant et ce dont j'aimerais vous préparer, c'est la perte des cheveux. Malheureusement, ce n'est pas des effets que l'ont peut prévoir ou combattre, c'est plus facile à dire qu'à faire mais il faut l'accepter, ces effets secondaires font partie des embûches qui vous mèneront à la guérison.

Je pleure tout ce que j'ai sans savoir réellement pourquoi. Est-ce le bonheur de savoir Iris en rémission ? L'angoisse de ce qui nous attend encore ? Le fait de voir mon bébé changer ? Peut-être est-ce même un mélange de tout ça. Quoi qu'il en soit, j'en retiens le meilleur. C'est une première victoire, et je ne laisserai rien venir la ternir. Prise d'une impulsion je me lève et serre le docteur dans mes bras.

- Merci docteur, pour tout ce que vous faites, pour le combat que vous menez aux côtés d'Iris et aux côtés de toutes ces personnes qui se battent.

- Je vous en remercie Mlle Orford, mais c'est normal, c'est mon métier.

- On ne devrait pas normaliser ce que vous représentez pour tout ces malades. Vous offrez chaque jour un peu de votre personne à tout ceux qui combattent. Alors merci, encore une fois un million de merci de vous être si bien occupé de ma fille.

- C'est pour ce genre de bonne nouvelle que l'on se donne autant, que diriez-vous d'aller annoncer la nouvelle à Iris ?

- Elle va être si heureuse.

- Vous pouvez être fière d'elle, et de vous. Iris a beaucoup de chance d'avoir des parents aussi formidables, Aly.

- Des parents ?

- Trenton il me semble et vous. Iris était très heureuse de me dire que son papa venait la voir tout les soirs quand il avait fini le travail, quand vous, y alliez. Elle m'a aussi dit qu'il s'appelle Trenton. Je suis désolée s'il y a eu méprise, mais les infirmières m'ont dit que vous étiez venus ensemble à plusieurs reprises et comme nous n'avons pas eu de contre-indication de votre part, nous ne lui avons pas refusé l'accès.

Cette annonce m'a abasourdie et m'a prise de cours, je pensais que depuis deux semaines Trent qui n'était venu que trois fois jusque là, n'était pas revenu, qu'il avait respecté ce que je lui demandais. Je me souviens de ce soir-là, il y a deux semaines, ce soir où je me suis moi-même brisé le cœur après ce moment de symbiose que je n'oublierai jamais. Nous venions de nous offrir l'un à l'autre ce que nous étions.

DEUX SEMAINES PLUS TÔT

Je me suis rhabillée en sentant son regard sur moi. Je savais ce qu'il allait faire, alors, je me suis protégée.

- Tu peux aller maintenant, lui ai-je dit.

- Comment ça ?

- Va-t-en Trent, ce qui vient d'arriver c'est une pulsion, c'était un besoin après ta déclaration. Et tu le sais, j'ai été claire, et je n'ai pas changé d'avis, j'ai déjà trop pleurer pour toi, je ne te laisserai pas me briser le cœur une fois de plus. Je dépose les armes, tu n'es plus mon combat, ma fille est beaucoup plus importante.

- Aly ...

- Non ! Tu l'a dit toi-même Trent, ça a même été ton excuse pour partir il y a quatre ans. Tu ne sais pas aimé, tu n'aimes que toi, tout le reste tu le détruit c'est bien ce que tu m'as dit ?  Alors va-t-en, reste loin de moi et si tu me croises, ignore moi, c'est exactement ce que je vais faire. Je mérite d'être heureuse, et tu mérites de l'être Trent, c'est tout ce que je te souhaite, mais pour ça, tu vas devoir te soigner. J'aurai aimé te sauver de tes blessures, crois-moi, mais tu n'as jamais été prêt pour ça, et surtout, il y a certaines choses dont tu dois guérir seul, et ça, c'est pas en faisant le lâche comme tu le fais si bien que tu y arriveras. Ne le fais pas pour moi Trent, mais pour toi, pour que tu puisses enfin vivre heureux, je ne te souhaite que ça seulement je n'en ferai pas parti.

Je me suis dirigée vers l'entrée, je l'ai regardée remettre ses vêtements, sans un mot, entourés d'un silence étouffant, oppressant, un adieu silencieux. J'ai refermé la porte derrière lui, sur ce que nous aurions pu être, j'ai pleuré tout le reste de la nuit après avoir annulé ma sortie, des tonnes de larmes comme seul exutoire face à cette fin, si je peux la qualifié ainsi, puisque pour toute fin, il faut un debut. Une chose est certaine, ce soir-là, je lui ai offert une partie de mon cœur qu'il a emporté avec lui.
Depuis, son regard n'a plus jamais croisé le mien.

Pour les yeux d'Iris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant