Trent
Le 16 Décembre
Je suis arrêté sur le bas-côté depuis trente bonnes minutes, et je reste là à observer ce panneau qui me rappelle tant de mauvais souvenirs. GREENPORT. Neuf lettres qui font ressurgir l'enfant en moi, tapis dans l'ombre depuis une éternité, neuf lettres qui suffisent à me filer la chair de poule et la boule au ventre. Je ne sais pas ce qu'est j'attends au juste, et il est clair que je ne trouverais pas de réponses dans ce panneau. Je sais de source sûre que mes géniteurs n'habitent plus l'appartement piteux dans lequel j'ai grandi, et ma source sûre n'est autre que le voisin de palier qui doit avoir aujourd'hui pas moins de quatre-vingts balais, et qui m'a souvent accueilli pour soigner mes blessures. Pendant longtemps Mason Prescot, a été mon refuge, il sait tout, et plus d'une fois il a essayé de me sortir de là, j'ai toujours refusé. J'aurais fini par être trimballé de foyer en foyer, puis par la suite il y a eu Matt puis Aly, alors, pour ne pas être éloigné d'eux, j'ai encaissé chaque jour un peu plus. Jusqu'au jour où mon meilleur pote à remarquer des grimaces, qu'il a assemblé à d'autres choses, tel un puzzle. Quand il a compris l'ampleur de ce qui se passait, lui aussi à voulu me sauver, j'ai réussi à l'en dissuader. Il a vite compris quel genre de pourriture étaient mes parents, qu'ils n'hésiteraient pas à s'en prendre à Aly ou à sa mère. Je passais le plus clair de mon temps chez lui, Masson Prescot me disait qu'il était heureux de savoir que j'avais quelqu'un sur qui compter le jour où il partirai, il était loin de se douter que je reviendrais des années plus tard et qu'il serait toujours de ce monde. J'ai toujours gardé un œil sur lui de loin et quand il a reçu mon coup de téléphone il a compris et n'a pas tardé à me sermonner pour la femme de ménage qui intervient chez lui, les courses qui lui sont livrés chaque semaine, et le barbier qui vient lui refaire une beauté. Il ne s'est jamais dit que ça venait de moi, et les entreprises que j'ai embauchées pour lui avaient jusqu'alors pour ordre de ne rien révéler. Mais je le lui dois, il est en grande partie responsable de l'homme encore debout que je suis. Ce vieux grincheux enfin c'est ce que je croyais au départ, est un homme que la vie a mis plus d'une fois à terre, il a survécu à la maladie, même si celle-ci lui a enlevé sa femme, il a vécu de trop nombreuses années dans la solitude et j'ai été ravi d'apprendre que chaque intervenant prend du temps pour lui et comble chacun a leur manière sa solitude. Finalement, je me dis qu'il est là mon point de départ.
Je démarre la voiture et prends la direction de mon passé, quand je me gare l'appréhension prend possession de mon être, je déteste paraître aussi faible et c'est peu dire quand je grimpe les quelques marches et que ma respiration est hachée. Je toque à la porte et la voix grave du vieux bourru me ramène au présent.
- Trenton, c'est bien toi mon petit ? Mais oui c'est toi !
- Rien ne change à ce que je vois, vous et cette faculté de répondre à vos propres questions.
- Entre dont mon petit, c'est bon de te voir !
- Je ne suis plus un enfant monsieur Prescot, dis-je en rigolant.
- Oh ça, je le sais bien, tu es un grand gaillard maintenant, tu as bien grandi et regarde ça, tu as même de la barbe.
- Ou peut-être est-ce vous qui rapetissez?
- Je me fais vieux alors c'est possible, mais je suis toujours assez en forme pour te mettre un coup de pied au cul. Viens donc boire un verre de vin !
- Il est neuf heures du matin !
- Et je serais peut-être mort dans une heure, laisse moi profiter un peu, trinque avec moi ou garde le silence.
Je passe le reste de la journée à discuter avec mon vieil ami, il me raconte combien il est pressé de s'en aller, que la solitude malgré les interventions de personnes qui l'aident à domicile, le pèse. Il me fait lui promettre de lui rendre visite avant que je m'en aille, promesse que je tiendrais évidemment. Je reprends la route l'esprit tracassé par l'état psychologique de celui qui m'a sauvé plus d'une fois. J'aimerai l'aider plus qu'il n'a pu le faire pour moi, mais je n'ai aucune idée de quoi faire ni comment m'y prendre. Je rentre à l'hôtel où je fini par me prélasser dans un bain, mon esprit s'évade vers New-York cette fois, auprès d'Aly et Iris. J'ai bien vu qu'avoir Matt à leurs côtés leur à fait du bien, à lui aussi d'ailleurs, quelque chose à changé a lui, et j'ai cette même impression à chaque fois qu'il est en perm et que je le vois. Quelque chose dans son regard est différent, il est à la fois endurci et vide. Je sais que la guerre ça change un homme, j'ai longtemps pensé Matt invincible, aujourd'hui je me rends compte que les séquelles que lui laissera sa vie au front seront irréversibles. J'aimerais pouvoir l'aider lui aussi en fait, j'aimerais sauver tout ceux qui m'entourent mais je suis assez réaliste pour savoir qu'on à beau vouloir quelque chose plus que tout, ce n'est pas suffisant. Je ne peux que les aider, les accompagner chacun dans leur combat, mais pour ça, je dois d'abord alléger le poids qui pèse sur mes épaules et sur mon cœur. Je sais que Matt sera reparti avant que je ne rentre, et ne pas savoir quand est ce que je le reverrais ni dans quel état me met un coup au moral, mais je sais que ce que je fais aujourd'hui, c'est ce qu'il veut que je fasse depuis des années. Je pourrais retourner à New-York le temps d'une journée, mais je sais que je ne reviendrais pas si je le fais. Alors au lieu de penser à demain, je fini par sortir du bain après m'être doucher, la journée m'a épuisé et je vais avoir besoin de toute ma tête pour ce qui m'attends demain. Je m'endors en espérant que le lieu ne ravive pas mes cauchemars, que ma nuit ne soit que rêve envahi par Aly et Iris.
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Pour les yeux d'Iris
RomanceJe m'appelle Aly Orford, j'habite dans la merveilleuse ville de Greenport dans l'état de New-York. J'y menais une vie tranquille, jusqu'à ce que je souffle ma dix-huitième bougie ce soir du 13 mars 2020 et que je découvre trois mois plus tard, que m...