Trent
Ça fait deux mois que Matt, mon meilleur pote, le frère que je n'ai jamais eu s'est fait la malle pour le champ de bataille. Chaque jour ressemble à celui de la veille, morose, ennuyant et chaque vendredi ressemble à celui de la semaine passée, j'attends son courrier.
Plus jeunes, on avait des rêves en commun, comme celui de se barrer de cette petite ville pour conquérir New-York, d'enchaîner les conquêtes et nous offrir la vie dont nous avions toujours rêvé, entre alcool, fête et argent, on avait un plan tout tracé. C'était sans compter sur les imprévus, sur ce revirement de situation et cet engagement que j'ai subi comme un abandon. Je lui en ai beaucoup voulu de tout abandonner, pourquoi ? Aller risquer sa vie sur le terrain pour défendre les convictions du gouvernement, pour se mêler de certaines choses qui ne regardent même pas notre pays, pour asseoir d'autant plus l'autorité de ce même gouvernement qui ne sait même pas qui il est et ce qu'il représente pour ses proches. À quoi bon ? Mais c'est son choix, et comme on l'a fait jusqu'à maintenant, on se soutient. Jamais je ne lui tournerais le dos, Matt est un peu ce pote que vous croisez un jour par hasard et qui vous sauve de la dérive. J'avais 14 ans quand je l'ai croisé pour la première fois, une fois de plus je venais de passer à tabac un type qui se foutait de ma gueule depuis quelques temps, en bon samaritain du haut de ses 14 piges il m'a dit de me barrer, je me suis caché derrière un buisson et quand j'ai entendu le bruit des sirènes j'ai su qu'il venait de me tirer de sals draps. J'ai attendu devant le commissariat pendant des heures pour le remercier, jusqu'au moment où je l'ai vu sortir d'ici avec une femme, sûrement sa mère. Elle semblait épuisée, lasse. Je les ai vu partir à pied, je les ai suivis, puis, je me suis arrêté face à cette petite baraque dans laquelle ils se sont engouffrés.
J'observe la petite bâtisse, son jardin joliment fleuri, la petite cage de foot, le vélo, une poupée et bien d'autres choses que je n'ai jamais eu. Je l'ai envier. J'ai envié ce gosse qui avait tout et qui pourtant, venait de se sacrifier pour moi. C'est que plus tard que j'ai compris que son père venait de mourir au combat, qu'il était désormais l'homme de la maison, qu'il avait une sœur Aly et que sa mère ne remontait pas la pente. Il avait décidé de se battre et je le respectais pour ça. Il avait su faire ce que je n'aurait jamais été capable de faire.
Ce soir de confession, sa mère nous a retrouvé en train de discuter sous le porche de la maison, elle m'a fait entrer, je ne sais pas ce qu'elle a lu dans mon regard mais elle a pris soin de moi. Elle est devenue cette mère que j'aurai aimé avoir, elle m'invitait aux repas, aux goûter, elle m'aidait à bosser sur mes cours et quand il était temps pour moi de rentrer chez moi, c'est le cœur gros et les larmes aux yeux que je le faisais. C'était une chose de faire croire aux autres que j'étais un gros dur, un associable, mais quand je me confrontais à la réalité de ma vie et à ce qui se passait une fois la porte de la maison fermée, je redevenais ce petit adolescent de 14 ans, en manque d'amour, en manque d'une mère. Je n'attendais plus qu'une chose, le lever du jour pour retrouver Matt et sa famille, pour entendre les éclats de rire de cette peste d'Aly alors qu'ici le silence faisait rage. Les Orford ne m'ont jamais lâché.Quand Matt est parti, il m'a demandé de veiller sur Aly, j'aurai préféré je pense, qu'il creuse ma tombe. Aly est tout ce qu'il y a de plus détestable, elle est douce, gentille, attentionnée, elle rêve de sauver le monde et par-dessus tout elle devient une femme. Je ne saurais dire quand mon regard sur elle a changé, mais déjà qu'avant ça je me montrait chiant avec elle pour qu'elle garde ses distances, il est clair que depuis ce moment là, je deviens affreux, j'essaie d'adopter le comportement du parfait connard. Je la pique, la regarde de travers, je ne lui adresse ni rire ni parole je l'évite autant que possible et lorsque je n'ai pas le choix de la voir, je m'arrange pour être accompagné. Je vois bien la peine que je lui cause, je la lis dans ses yeux, et même si chaque soir je m'en veux, je n'ai aucune autre option que celle-là. Aly est un diamant brut, elle est là sœur de celui qui m'a sauvé, je ne peux l'approcher sans risquer de la détruire, car c'est ce que je fais de mieux.
L'absence de Matt me rend la tâche encore plus compliquée, c'est pour ça qu'à mon tour, j'ai décidé de tout plaquer, pour le première fois en huit ans, j'ai menti à mon pote dans mon dernier courrier, j'ai prétexter une offre d'emploi à New-York, je me suis excusé de ne pas pouvoir tenir ma promesse, de ne pas prendre soin de sa mère et d'Aly et pourtant, il ne sait pas que c'est en m'éloignant que je la tiendrais le mieux même si pour ça, je dois me briser le cœur.
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Pour les yeux d'Iris
Romantizm~TERMINÉ, NON CORRIGÉ~ Je m'appelle Aly Orford, j'habite dans la merveilleuse ville de Greenport dans l'état de New-York. J'y menais une vie tranquille, jusqu'à ce que je souffle ma dix-huitième bougie ce soir du 13 mars 2020 et que je découvre troi...