CHAPITRE 16

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Haneul.


Décembre 2017.


Qui dit 5 décembre, dit anniversaire de Choi Soobin ! Je tiens fermement dans mes mains son cadeau. Avec Hongjoo, nous lui avons acheté le nouveau jeu vidéo qu’il souhaitait depuis un moment. Et pour la blague, j’ai fait imprimer des maillots avec nos photos dessus qu’il sera obligé de porter. J’ai tellement hâte de voir sa tête.

Je fais rire Hongjoo qui conduit à côté de moi.

— T’es toute excitée, Han Han.

— J’ai trop hâte d’y être ! Je cris.

— Bon. Maintenant, tais-toi, je dois rester concentré sur la route, me gronde gentiment mon meilleur ami alors que je lui tire la langue.

Ça me fait rire, cette prudence excessive. Hongjoo, concentré sur la route, anticipe tout.

— Tu peux te détendre, Hongjoo, c’est juste une route. Tu fais comme si tu faisais du vélo.

Je me mets à rire.

— Ah, pardon, c'est vrai que Madame Haneul est une pilote expérimentée. Rappelle moi à combien tu as eu ton code, déjà ? Ah ! Autant pour moi, tu l'as loupé.

Je tousse, me gratte la gorge et détourne la conversation :

—  On arrive dans combien de temps, pilote ?

— Oui, oui. Patience, on est presque chez Soobin. Il doit être encore en train de préparer son grand discours d'anniversaire.

Je ris à l’idée de Soobin. Il s'entraîne toujours à faire des discours quand il y a un public, même s'il finit par rougir comme une tomate devant tout le monde.

— Je parie qu’il va encore nous sortir une liste interminable de souvenirs où il est le héros de l’histoire.

Hongjoo éclate de rire, l’atmosphère est légère.

— Exactement ! Et tout le monde devra applaudir à chaque anecdote, sinon il ne va pas être content.

On rit tous les deux. Il fait noir, vraiment noir, et la route est déserte. La voiture avance lentement, Hongjoo fait attention à chaque virage, à chaque panneau.

— On devrait se dépêcher un peu quand même, tu sais ? dis-je, en lui lançant un regard taquin. On ne va pas rater la soirée juste pour ta conduite d’escargot ?

— Oh, Madame est impatiente. Mais tu oublies que…

Il ne termine pas sa phrase, ses yeux se fixent soudainement droit devant lui. Je suis son regard, et je comprends. Les phares d’une voiture, juste devant nous, beaucoup trop près. Tout se passe en une seconde, comme un coup de tonnerre.

— Hongjoo !

C’est la seule chose que j’arrive à crier avant que le choc nous frappe de plein fouet. Le monde autour de moi se fracasse en un mélange de métal et de verre brisé.
Je ne vois plus rien, juste des éclats de lumière, un bruit assourdissant, et une douleur vive qui traverse tout mon corps. Puis… rien.


Quand je rouvre les yeux, tout est flou. Je distingue des petits points blancs qui flottent devant moi, comme des étoiles… ou des éclats de verre ? J’ai mal, mais je ne sais pas encore où. Juste partout et nul part à la fois. Cette sensation est horrible. Tout semble étouffé, comme dans un rêve dans lequel les sons sont lointains.

Je tourne la tête, mes pensées flottant dans un brouillard, et je vois Hongjoo. Il est là, à côté de moi, immobile.

— Hongjoo… Hongjoo ! murmuré-je difficilement d’une voix cassée.

Mais il ne réagit pas. Son visage est pâle, figé dans une expression que je n’arrive pas à décrypter, comme s’il dormait. Une angoisse sourde m’envahit, une sensation glaciale qui me traverse tout entière. Je crois que je vais tomber dans les pommes. Mes yeux piquent, mais aucun son ne sort de ma gorge.

Autour de nous, j’entends des bruits, des voix lointaines, pressées, qui semblent parler un langage que je ne comprends pas. Où suis-je ? Ça résonne dans ma tête sans faire sens, juste des mots étouffés par le bruit de mon propre souffle.

Je sens qu’on me touche, des mains qui me saisissent doucement. Je ne veux pas qu'on me touche. Une force inconnue me tire hors de la voiture. Je veux leur dire d’aller voir Hongjoo, de le réveiller, de vérifier s’il va bien. Mais rien ne sort. Ma vision se brouille, je sombre encore dans l’obscurité.


Quand j’ouvre les yeux cette fois-ci, tout est blanc. Les murs, les draps, même la lumière qui m’éblouit. Mon corps est lourd, comme s’il était enfoncé dans le lit. J’ai du mal à bouger, mais la douleur est moins vive, comme endormie. La sensation est bizarre, tout est si calme…

Où suis-je ?

Et puis, un cri. Quelqu’un hurle, une voix familière qui perce le silence. C’est Soobin. Je reconnaîtrais sa voix entre milles.

— NON ! Non, c’est pas possible ! Pas lui !

Mon cœur s’arrête.

Je cligne des yeux, essayant de comprendre. Pourquoi Soobin est-il là ? Et pourquoi hurle-t-il comme ça ? C’est son anniversaire alors pourquoi est-il comme ça ? Il devrait être heureux en un jour comme celui-là.

Mon cœur se met à battre plus vite. Je veux bouger, mais mon corps refuse de m’obéir. Je veux parler, mais ma voix refuse de sortir. Mes doigts se crispent sur les draps, et je lutte pour reprendre mon souffle.

La porte s’ouvre brusquement, et je vois Soobin entrer, le visage déformé par la douleur. Ses yeux sont rouges, et il tremble. Quand il me voit, il se fige, comme s’il ne savait pas s’il devait s’approcher ou rester loin.

— Soobin… je murmure faiblement, ma voix n’étant qu’un murmure brisé.

Il s’approche finalement, mais il ne me regarde pas dans les yeux. C’est comme s’il ne pouvait pas. Il serre les poings, puis les desserre, comme pour calmer une rage qui le dévore de l’intérieur. Pourtant, je comprend à son regard qu’il est soulagé de me voir vivante.

— Haneul… souffle-t-il. Il hésite, et une larme coule sur sa joue. Haneul, je suis tellement, tellement désolé…

Son regard plonge dans le mien, et pour la première fois, je comprends. Une vérité brutale, glaciale, se fraie un chemin jusqu’à moi. Je sens mon cœur se serrer, la douleur éclater en moi avec une intensité que je n’avais jamais connue.

Je refuse. Je refuse. Je refuse. Pas lui. Ça ne devait pas être lui !

— Hongjoo… murmuré-je, la voix tremblante, presque inaudible.

Soobin ferme les yeux, et son silence suffit. Une douleur inimaginable, un vide qui s’ouvre sous mes pieds, qui m’aspire et m’écrase en même temps. Les larmes jaillissent sans que je puisse les retenir. Soobin me caresse les cheveux. La douleur est aussi présente pour lui que pour moi.

Je n’entends plus rien. Le monde autour de moi s’efface, se rétrécit, se replie sur cette vérité insoutenable qui m’étrangle.

Hongjoo n’est plus là.

Ça aurait dû être moi.

— Je suis désolée... j’articule d’une voix rauque.



Protect Your Melody | C.SbOù les histoires vivent. Découvrez maintenant