Partie 29 - Ce monde là

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JASMINE (JALLIAH)

Je suis assise derrière ce grand bureau en acajou, mon regard fixés sur l'homme en face de moi. C'est un jeune type, sûrement dans la vingtaine, élégant et sur de lui. Une belle gueule, il faut l'admettre, mais je suis loin de m'y laisser prendre. Son charme est de ceux qui ne fonctionnent plus sur moi. Ça fait longtemps que j'ai appris à lire au-delà des sourires polies et des regards enjôleurs.

La pièce est vaste et lumineuse, ornée de grandes baies vitrées qui laissent entrer un flot de lumière dorée, mais malgré cette chaleur apparente, l'ambiance reste tendu, froide.

Je porte une robe noir, simple mais bien coupée, le genre qui impose le respect sans en faire trop. Sous cette robe il y a ce que personne ne voit : un gilet par-balle, un holster discret contre mes côtes. Je ne suis plus cette fille fragile qu'on peut manipuler à sa guise. Aujourd'hui je suis la patronne, et ce jeune homme est là pour me prouver qu'il comprend ça.

Je croise les jambes, me penchant légèrement en avant. Mon regard ne faiblit pas, et je sens que ça ne met mal à l'aise. Parfait. C'est exactement ce que je veux. Ici, c'est moi qui fixe les règles, moi qui décide de chaque mot, de chaque geste.

Moi : alors, vous avez compris ce que j'attend de vous ?

Ma voix est calme, posée, mais elle ne laisse aucune place à la négociation. Je ne cherche pas à le convaincre, il a déjà tout à perdre en me décevant.

Il hoche la tête, mais je lis une lueur d'hésitation dans ses yeux, un frémissement imperceptible. C'est le genre d'erreur que j'aurais faite, moi aussi, avant. Mais aujourd'hui, ces failles-là je les repère en un coup d'œil. Il prend une inspiration discrète, comme pour se donner de l'assurance.

: oui bien sûr Mademoiselle Jasmine tout est clair, vous pouvez compter sur moi

Je lui fais signe de la main, un geste sec, pour lui indiquer qu'il peut désormais se retirer. Son regard s'assombrit une seconde, presque vexé de se faire congédier aussi vite, mais il se lève me lançant un dernier sourire. Je le regarde sortir et dès qu'il referme la porte derrière lui, je relâche légèrement mes épaules. Un instant, juste un. Le temps de reprendre une inspiration plus lente, plus profonde.

Je me redresse et jette un coup d'œil à la porte du bureau. Mon cœur raté un battement, puis s'emballe. Je ne le vois pas tout de suite, mais je sens sa présence avant même qu'il entre.

Imrâd.

La porte s'ouvre et il apparaît, accompagné de Rezak et d'Ayman. Mon cœur veut s'emballer, mais je l'écrase, le comprime. J'ai appris à me contrôler, à ne rien laisser transparaître. Lui aussi a quelque peu changé, je le vois dans sa posture, dans cette froideur apparente qui cache toujours cette même intensité brûlante.

Mon regard croise le sien. Je reste impassible, le cœur en équilibre sur une corde raide. Ni sourire, ni lueur d'émotion. Ici je ne suis pas Jasmine je suis Jalliah. Je suis la patronne.

Il avance, et je garde mes mains jointes sur le bureau, les yeux rivés dans les siens. Pendant un instant, la pièce devient silencieuse. Même les bruits de la rue semble s'éteindre, comme ci se moment appartenait à nous seuls. Je pourrais presque entendre nos cœurs battre, comme un rythme d'un souvenir qui n'a jamais cesser de me hanter.

Imrâd & Jasmine : la misère n'a jamais été aussi belle Où les histoires vivent. Découvrez maintenant