Les Enfants du Soleil (tome 2)

50/ Visions d'horreur

Smells like teen spirit - Malia J

Hope

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle était dans un couloir du Centre Suarez. Les murs, auparavant d'un blanc clinique, étaient maculés de sang. Un frisson la parcourut. Elle baissa les yeux et regretta son geste immédiatement. Devant elle, une dizaine de corps gisaient de la même manière que la mère de Trinity dans une de ses précédentes visions. Militaires et médecins se confondaient, tous mués dans une dernière expression d'effroi.

Elle fit quelques pas, vers là où aurait dû se trouver la petite sœur d'Isaac, mais ne trouva que des sangles brisées et des impacts de balles sur le mur. Une autre vision, il fallait une autre vision, elle devait en savoir plus. Elle ferma les yeux et essaya de visualiser le palais, espérant que ça fonctionne. Un instant plus tard, elle se trouvait dans un des salons. Son pouvoir n'avait jamais été aussi efficace. Elle soupçonnait Ana d'y être pour quelque chose.

Derrière elle, la porte claqua et elle tomba sur Isaac et Trinity. Il était en costume, une tenue qu'il aurait pu porter pour un discours télévisé. Sa sœur avait une simple robe bleue, maculée de sang. Elle ne reconnaissait pas la gentille jeune fille qu'elle avait pu voir avant. Son visage était déformé par la haine. Une lueur rouge brillait au fond de ses yeux. Son pouvoir, tout cela n'était dû qu'à son pouvoir. Son pouvoir qu'on avait vainement essayé de lui arracher et qui s'était finalement retourné contre ses agresseurs.

— Trinity ! s'écria Isaac. Écoute-moi. Je suis de ton côté.

Il eut à peine le temps de finir, qu'il se prit violemment le pouvoir de sa sœur. Il se retrouva balancé sur le parquet comme un vulgaire pantin. Elle le vit réprimer une grimace de douleur et se relever malgré tout.

— Je suis le chef des rebelles. C'est moi. Depuis le début. Viens et je te mettrai en sécurité. Fais-moi confiance. Je t'en prie.

Sa voix était douce, convaincante, sincère. Mais elle n'eut aucun effet.

— Tout ce temps, tu m'as laissée sans rien faire, lâcha-t-elle d'une voix dénuée d'empathie. Espèce de lâche ! Tu n'es qu'un lâche Isaac d'Europe. Tu as passé ta misérable vie à te cacher.

Le souffle de Hope se coupa. Ce n'était pas elle. Elle n'était pas elle-même. Ils avaient fini par créer le monstre qui la terrifiait tant, le monstre que leur avait décrit Isaac, puis Jake.

— Trinity... Je ne sais pas ce qui se passe, mais reviens. Parle-moi. Ce n'est pas ma petite sœur qui me parle là.

À cet instant, Hope crut déceler un éclair de lucidité dans son regard. La jeune fille baissa les mains et un voile de tristesse passa sur son visage. Elle voulut en voir plus, mais son pouvoir l'emmena ailleurs. Une brise marine soufflait désormais sur sa peau. Où était-elle encore ? La vision était floue, mais elle décela un lit, des draps blancs, un parquet. Dans un couffin, une petite fille d'environ un mois dormait à poings fermés. Des petites boucles d'un blond vénitien entouraient son visage recouvert de taches de rousseur. Mais elle n'eut pas le temps de s'attendrir qu'on la renvoya au palais.

À en juger par la tenue de Trinity, un peu de temps s'était passé depuis sa vision précédente. Elle était assise à la place de son père, habillée d'une merveilleuse robe noire et rouge, assortie à ses pupilles, dans lesquelles il ne restait pas une trace de bleu. À ses côtés, Zach en tenue de garde du corps, imperturbable. En face, assis autour d'une table, cinq officiers recouverts de médailles. Deux d'entre eux avaient perdu connaissance, effondrés sur leurs notes tachées de sang. Les trois autres écoutaient religieusement celle qui semblait être leur nouvelle dirigeante.