51/ Beaucoup de génie, des plans et des pleurs

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California Dreamin'- Sia

Juan

— Votre campement est ici... et le village où devraient se dérouler les combats est à vingt kilomètres. Je laisserai deux équipes qui seront autour de votre QG. Ce que vous faites, c'est que vous envoyez les plus jeunes dans notre campement. Il est bien plus loin que le vôtre et, pour le moment, le gouvernement n'a aucune idée de son existence...

Aria avait de bonnes idées. Cela allait sans dire. Mais Juan était ailleurs. S'il avait fait bonne figure devant tout le monde, s'il essayait de se concentrer sur la bataille, il n'avait en réalité qu'une chose en tête : Trinity. Il n'avait aucune envie de se battre contre elle. Et pourtant, s'ils survivaient à la bataille, c'était ce qui les attendrait. Pour le moment, il n'attendait qu'une chose : que Isaac rentre. Lorsque la télé allumée dans la salle des officiers afficha le logo du palais, suivi de l'inscription « Flash spécial », il braqua ses yeux sur l'écran.

Isaac portait un costume, comme à son habitude. Rien ne semblait distinguer ce discours d'un autre à première vue. Ses parents étaient derrière lui, ainsi que quelques membres du gouvernement et qu'une poignée de soldats. Juan le connaissait assez bien pour voir qu'il était stressé. Mais il imposait sa prestance habituelle. Personne n'aurait pu s'en douter. Il s'approcha alors du pupitre, souriant à son père à côté.

— Bonjour, commença-t-il avec un sourire. Je suis Isaac d'Europe et aujourd'hui je vais vous parler à vous, chers résistants.

Derrière lui, deux militaires verrouillèrent les points de sortie et d'entrée de la salle. Timing parfait.

— Si je vous parle aujourd'hui, ce n'est pas pour vous dénigrer ou lancer des attaques comme j'ai l'habitude de le faire. Mais pour vous implorer de vous réunir.

Le Général commença à froncer les sourcils. Mais les soldats, qui s'avéraient être des hommes d'Isaac, pointèrent leurs armes sur lui et sa femme ainsi que sur les quelques conseillers, les forçant à écouter son discours. Dans la salle des officiers, des murmures amusés et ravis traversèrent la pièce en voyant l'expression outrée des conseillers présents sur plateau. Cependant, le silence se fit dès qu'Isaac reprit la parole.

— Depuis cinq ans, je me bats nuit et jour pour vous. Je mets en place des plans et je vous fournis une grande partie du budget et des armes nécessaires. En même temps, je joue les fils modèles à la télé et devant notre cher Général. C'est ainsi que je fais fuiter des informations, que je délivre des prisonniers et que je vous préviens des attaques. Rebelles, je vous suis entièrement dévoué. En vous parlant aujourd'hui, ce n'est pas la place de chef que je veux prendre, mais celle d'un guide. Je veux et je peux vous guider vers la victoire. Mais pour cela, nous avons besoin de nous unir. Des quatre coins du pays, nos armes doivent se tourner vers le palais, vers l'État. Là, maintenant, je pourrais demander à cet homme de presser la détente sur le front de mon père. Car oui, je suis son fils, que je le veuille ou non. Mais je ne le ferai pas. Pas par amour, mais parce que je garde la tête froide. Sa mort ne changera rien. Le réel problème vient des dizaines d'officiers supérieurs et d'hommes d'affaires à qui profite son gouvernement.

Juan fit l'erreur de détourner les yeux vers le Général et sa femme. Lucille était en larmes. Visiblement plus terrifiée que triste. Alors, elle passerait ses derniers instants à avoir peur pour son fils, puis sa fille. Il sentit ses jambes flancher et un haut le cœur le prendre. Il fallait qu'il sorte.

L'instant d'après, il était assis dans le couloir, la tête entre les mains. Pourquoi faisaient-ils tout cela ? Il aurait pu rester aux côtés de ses parents, vivre la belle vie avec Isaac. Il aurait été officier, n'aurait jamais eu à aller en première ligne. Son père aurait toujours été là, sa mère à ses côtés, la mère d'Isaac encore souriante. Rien n'aurait été parfait. Mais avaient-ils vraiment bien fait de tout sacrifier ? Il ferma les yeux et dans la salle d'à côté, une clameur résonna, bientôt rejointe par une encore plus grande qui venait du self. Isaac, champion du monde de discours. Le peuple allait se soulever, que ce soit contre Trinity ou son père. La guerre était en marche et Isaac s'était placé à sa tête.

Les Enfants du Soleil (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant