Chapitre XXII

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La longue agonie de l'Empereur précipita sa mort. Il ne supportait plus la souffrance. Les médecins conseillaient à l'Impératrice d'injecter ce produit qui donne la mort, il était utilisé au Monterre pour les peines de mort. Elle refusa, gardant l'espoir que son mari vivra, qu'il était immortel car elle l'aimait. Mais Elizabeth voyait très bien que son père n'en pouvait plus. Il avait perdu la plus part de ses sens, ou presque. Il entendait à peine ce qu'on lui disait, ne voyait que des ombres se déplacer et mangeait peu car les aliments n'avaient plus de goût. Il était déjà mort au fond. Et sa peau le brûlait. Il implorait du regard sa femme, ses yeux disaient clairement qu'il était prêt à mourir, prêt à quitter la vie. Elizabeth se chargea de convaincre sa mère, dans un couloir elles eurent une terrible discussion :

-Il est temps. Il souffre plus que tu ne peux l'imaginer.

Olga explosa en larme :

-Je ne peux vivre sans lui. Depuis le jour où je l'ai rencontré, j'ai su. Tu ne peux pas comprendre ma chérie. C'est inexplicable. Qu'importe ce qu'il fasse, je l'aime. Qu'il soit bon ou cruel. Je l'aimerai toujours.

-Je sais. Je sais. Mais si tu l'aime alors laisse-le partir, ne fais pas endurer sa souffrance plus longtemps. Il a tellement mal.

L'Impératrice ne pouvait imaginer une vie sans Vladimir, elle le connaissait depuis l'âge de sept ans et elle avait chaque jour pensé à lui. Comment le laisser partir ? L'homme qu'elle avait toujours connu, près d'elle, la chérissant, l'aimant chaque jour :

-Maman, il est temps de dire « au revoir ».

-Oui. Murmura-t-elle.

De retour dans la chambre, Vladimir tenta de parler :

-Mon amour, viens.

Olga lui prit la main :

-Père, débuta Elizabeth, nous allons t'injecter un produit et tu vas...

-Je sais. L'interrompit-il. Merci.

Elizabeth sentit l'eau salée montée à ses pupilles, Cyril s'approcha du lit. Ils firent leurs adieux, silencieux, à leur père. Cyril lui embrassa la joue, Elizabeth n'osa l'effleurer même de ses lèvres. Elle lui adressa un sourire. Puis ils sortirent tous, laissant les époux entre eux, une toute dernière fois. Salim était parti avec Alexane pour trouver une nourrice. Cyril et Elizabeth, seuls dans le couloir, se prirent la main par solidarité. A l'intérieur de la chambre, Vladimir utilisait ses dernières forces pour déclarer sa flamme une énième fois avant de rajouter :

-Tout ce que j'ai fait c'est pour toi, et je regrette d'avoir tué ton père. J'aurai dû le protéger.

-Tu as fait ce qu'il fallait. Murmura-t-elle. Tu as toujours su ce qu'il fallait faire.

-Je t'aime.

-Je sais.

-Je suis désolée de toute la souffrance que j'ai causée, que je t'ai causé. Dit-il épuisé.

-Tu m'as causé plus de joie que de souffrance. Saches-le.

Elle se coucha près de lui, la tête contre son cœur, elle voulait entendre chaque battement jusqu'au dernier. Elle ferma les yeux. Un médecin vint avec discrétion et injecta le produit. Olga écouta le cœur de Vladimir ralentit, et plus les battements étaient espacés, plus elle souffrait, plus elle voulait hurler son désespoir et pourtant sa langue était comme bloquée dans son palais, incapable d'articuler un seul son. Et enfin plus aucun bruit. Plus rien. Plus un seul battement. Plus de vie. Plus d'amour. Elle serra de son main la chemise de Vladimir. Elle froissait le tissu, incapable de le lâcher. Et étrangement elle n'avait plus de larme.

Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant