Chapitre XXXI

138 12 0
                                    


Le cercueil découvert traversa la capitale avec une procession imposante et impériale. Tous faisaient silence autour, comme-si la population elle-même était morte avec leur Empereur. Marchant juste derrière, Elizabeth et sa famille, vêtue de noire, baissaient les yeux, par respect pour ce grand homme. Malgré un silence évident des petites voix chuchotaient dans la foule, et elles disaient toutes « où est l'Impératrice Douanière ? ». Olga était devenue folle, selon Elizabeth, et elle ne l'avait pas autorisé à venir, à accompagner une dernière fois son mari où il allait reposer à jamais. Elizabeth, malgré le côté extrême de son caractère, n'avait pas tort. Sa mère était folle à présent. La perte de son grand amour l'avait plongé dans une souffrance psychologique telle que son entendement avait préféré arrêter de fonctionner. Quelle tristesse ! Mais Elizabeth comprenait sa mère. Si Salim venait à disparaître alors elle ne savait que sera sa réaction et celle de son esprit. Sans contrôler son geste, elle prit la main du jeune homme, il ne réagit pas. Sa pensée était tournée vers toute autre chose : Saphira. Il oubliait même la portée de cette cérémonie. Il n'arrivait pas à focaliser son esprit vers le corps sans vie qu'il suivait depuis presque une heure. Enfin le mausolée des Moscov apparut devant eux. Les troupes se mirent en place, les canons résonnèrent au loin. Et on fit pénétrer le cercueil dans le bâtiment. A l'intérieur il restait les membres de la famille, dont le frère de Vladimir, Ivan, qui n'adressa pas la parole à ses neveux et nièces. Avec eux le gouvernement, et des généraux influents. Après quelques chants religieux, le cercueil se ferma. Elizabeth se pencha vers le bois ciré et y déposa un baiser. Cyril fit un salut militaire, tout comme Salim. Puis chaque personne s'inclina devant le corps qui fut clissé dans le sous-sol avant qu'on dépose une plaque où il était écrit « Vladimir Moscov-Layton, le Comte Noir, Empereur de toutes les Allénie, Duc de Macan, Co-Prince d'Istanie : Père de la révolution ». Puis tout le monde sortit. La tradition voulait qu'un Moscov fasse un discours à la foule, pour la remercier de sa présence. Cyril décida de le faire. Il s'élança vers une estrade placée à quelques mètres du mausolée. Le Prince ôta sa casquette de militaire et trembla fortement. Il bafouilla un peu avant de reprendre son souffle :

-Si nous sommes réunis aujourd'hui ce n'est pas par plaisir, j'aurais préféré vous parlez en d'autres circonstances plus joyeuses. Je ne sais que dire sur mon père, tout le monde sait déjà tout. Alors je vais vous lire un passage de ses mémoires.

Cyril sortit le manuscrit d'un sac que lui tendit un soldat :

-Ce passage, précis-il, est une lettre de mon père à ma mère : « Ma chère Olga, mon amour,

Aujourd'hui, enfin le temps que la lettre te parvienne, il y a quelques jours, mes compagnons et moi avons livrés notre première bataille aérienne de cette guerre. Je suis très heureux, car nous ne déplorons aucune perte, de plus mes hommes sont confiant en leur proche avenir. Ils se voient déjà envahir le ciel de la capitale Garmanienne, et ainsi montrer au monde notre puissant. Dans le siège de cet avion, qui est le mien, je me sentais libre et tous mes espoirs émergent dans un océan de sensations fortes. Cependant, mon esprit sait que nous ne sommes pas assez forts et assez nombreux pour réussir à vaincre. J'ai peur et ma confiance s'effile doucement. Je me languis de toi. Comment vas-tu? Et notre futur bébé? Je serai là pour sa venue dans notre monde, qui se plonge dans la guerre. Mais le monde sortira de cette bataille, il en grandira, je te le promets comme j'ai promis de t'aimer toute ma vie. Je tremble doucement en tenant mon crayon, dans ce bureau à moitié vide, je sens ma faible respiration, au milieu de cet espace en pleine nature, si près de cette frontière qui ne cesse de reculer ou d'avancer. Cela m'effraies mais je dois rester fort pour ces hommes, dans les pièces d'à côté, qui ont tant confiance quand je suis là, quand je leur parle, dès qu'ils me voient ils sourient et se sentent prêts à affronter les pires ennemis de notre patrie. Pourquoi moi? Je n'en ai aucune idée. Qui suis-je pour prétendre à être un homme de confiance, un homme qui est là pour conquérir des contrées inexplorées? Je ne suis qu'un homme qui a su mettre à profit ses capacités dans l'aviation pour se faire une réputation. Cette réputation je l'ai voulus, je suis coupable de ce qui m'arrive. Néanmoins je suis prêts à être cet homme qu'ils voient en moi, je le serai, le deviendrai et je resterai cet homme, pour eux, pour toi, pour notre futur enfant, pour mon pays, et pour moi. Voilà mon objectif et jusqu'à ma mort, cela sera mon entreprise, mon dessin, le but de ma vie. J'arrête un instant mes plaintes et t'envoie tout mon amour, celui que tu ne peux mesurer, que tu ne peux réaliser. Je t'aime. Je t'embrasse. Vladimir. » En écrivant ces mots, je venais de réaliser pourquoi j'étais dans cette maison, à ce moment de notre Histoire. »

Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant