Chapitre XXVIII

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Lana Ronor était hantée chaque nuit par les regrets et la peur. Les regrets d'avoir tué, et la peur de mourir à son tour. Mais un soir on vint la chercher dans sa cellule. On la mena, sous le regard impuissant d'Hermann, au sous-sol de la prison et on la poussa dans une salle d'eau. Elle était vaste, avec des douches, et les murs et le sol étaient recouverts d'un carrelage blanc. Un garde lui jeta des vêtements propres :

-Tiens ! Et lave-toi ! Ordre du Prince Cyril !

Elle s'exécuta, trop fatiguée pour répliquer quoi que ce soit. Elle avait oublié le plaisir que cela procurait d'être propre, débarrassé de toute saleté, les cheveux doux et soyeux. Puis la porte s'ouvrit de nouveau. Ce fut Cyril qui apparut. Ses yeux bleus ressortaient étrangement à cause de la blancheur de son teint et des rougeurs entourant son regard. Il avait les joues creuses, et une fatigue évidente se lisait sur tout son être. Il toussa dans ses gants blancs. Il était malade depuis plusieurs jours. Lana ne savait que faire face à lui. Elle aurait aimé l'enlacer mais si un garde les surprenait, ils étaient perdus. La porte se ferma. Ils étaient seuls. Elle les cheveux encore mouillés, lui, le cœur chétif :

-Comment vas-tu ? Demanda-t-il d'une faible voix.

-Mieux que toi, je pense. Dit-elle.

-Lorsqu'on est malade qu'importe où nous sommes, prison ou palais, l'issue est la même.

Il marcha doucement, ses bottes claquaient sur le carrelage humide de la pièce :

-Tu m'en veux. Dit-elle.

-Tout homme censé te détesterait, jusqu'à te tuer de ses propres mains, pour ce que tu as fait.

Se tournant vers elle, il la fixait :

-Mais je ne suis pas un homme censé.

-Que veux-tu dire par là ? Demanda-t-elle plein d'espoir.

Il ôta d'un geste sa casquette. Elle remarqua qu'il transpirait sans savoir pourquoi. Il s'approcha d'elle et lui dit :

-J'ai envie de t'étrangler, mais...j'ai envie de t'embrasser. Pourquoi ? Dis-moi pourquoi ?

-Je n'en ai aucune idée.

Ils étaient très proches. Elle sentait le souffle froid du prince entrer dans sa bouche. Il posa ses mains sur le cou fin de Lana, comme pour la tuer. Il en avait envie. Elle était la cause de toute sa souffrance. Et elle semblait se laisser faire. Elle lui avait ôté toute envie de vivre maintenant :

-Etrangle-moi d'un baiser. Murmura-t-elle.

Elle n'eut pas besoin de le dire deux fois. Cyril, avec brusquerie, l'embrassa. Il la plaqua contre le mur. Il était prêt à faire n'importe quoi pour la posséder encore et encore comme à l'église. Il ne cessait de l'embrasser, sa langue valsant avec la sienne sans s'arrêter, et en même temps il serra ce cou. Elle crut étouffer. Elle lui mordit la lèvre. Il recula surprit. Du sang coula sur le sol. Il passa sa main sur sa bouche. Il vit ce cou aux marques rouges, celles de ses mains :

-Tu m'as mordu. Dit-il le souffla court.

-Je sais. Tu allais me tuer.

-Je sais.

Il s'en voulait, lui tournant brusquement le dos, reprenant son souffle. Tout à coup il sentit ses mains, à elle, l'enlacer au niveau du torse. Elle posa sa tête contre son dos :

-Tu as le droit de me tuer. Je suis condamnée de toute manière.

-Regarde ce que nous sommes devenus ! Cria-t-il.

Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant