Les Seigneurs de Fallaris Tome 1: Allénie

Chapitre XXV

Des rumeurs parcouraient l'empire depuis plusieurs jours, et rien n'est pire qu'une rumeur pour alarmer la population et surtout causer des dommages irréversibles. Elizabeth accordait une grande importance aux rumeurs, plus qu'aux faits réels, car les faits réels sont acquis, contrôlables, car ils sont réels, alors que les rumeurs sont incontrôlables, elles s'amplifient avec le temps, il faut savoir les écouter pour y mettre un terme. Actuellement la rumeur la plus récurrente était celle qui disait que Saphira avait réussi à réunir une armée sous ses ordres prête à marcher sur l'Allénie et, ainsi reconquérir son pays. Si cette rumeur se transformait en fait réel, alors Elizabeth sentait qu'elle courait à la catastrophe. Son père n'avait pas eu le temps de lui montrer comment diriger un pays en guerre. Alors elle décida de se reposer sur Salim, celui-ci répondit :

-Tu veux que je devienne le chef de l'armée ?

-Oui, de toutes les armées.

Ils étaient attablés face à face, un soir froid, la cheminé crépitait doucement, les flammes alimentées par des petites mains que, à force, Salim et sa femme, ne voyaient même plus :

-Je ne suis pas sûr que les Alléniens acceptent qu'un étranger devienne le gardien de leur pays.

-Qu'importe ce qu'ils pensent ! Tu seras parfait en chef de l'armée. Je le sais, ils doivent me faire confiance.

-Ils n'ont pas le choix.

-Est-ce un reproche ?

-Non, bien sûr que non. Reste calme. Les temps sont assez dur, évitons une dispute.

Ainsi Salim conclut la discussion. Enfin c'était ce qu'il pensait :

-Salim. Je suis enceinte.

Il crut littéralement s'étouffer avec le poisson qu'il dégustait. Il explosa de joie. Enfin ! C'était une véritable libération pour lui. Il se leva et alla embrasser Elizabeth. Elle était aussi heureuse que lui. Mais pas pour les mêmes raisons. Elle voyait l'héritier, la continuité dynastie, la pérennité d'un empire puissant, qu'un Etat qu'elle léguerait à sa mort. Salim voyait juste un enfant, le sien, il voyait les jeux d'enfant, le berceau, les rires, les sourires d'un bambin. Il voyait ce qu'il avait toujours désiré : une famille.

Le soir venu, Elizabeth heureuse et paisible, décida de faire un tri immense dans le bureau impérial de son défunt père. Elle jeta des archives sans importance au feu. Elle tomba sur un manuscrit : Le Pays de l'Ambitieux. Vladimir écrivait donc ses mémoires avant de mourir. Elle le mit de côté, le lire pourrait être instructive. Mais ce ne fut pas ses mémoires qui chamboulèrent Elizabeth, mais ce bout de papier où étaient griffonnées quelques phrases simples mais explicite. La nouvelle Impératrice n'en revenait pas. Cyril avait été désigné héritier, le jour même de la mort de Vladimir. Elizabeth en tremblait, pleurait même devant ces mots qui signifiaient clairement son échec programmé. Son père doutait de son rôle de chef suprême du pays. Il faisait confiance au frêle et fugueur Cyril et non à la forte et charismatique Elizabeth. Quel affront ! Et sans hésiter le nouveau testament de son père finit au milieu des flammes de la cheminée. Et voici que le feu dévorait les dernières volontés du plus grand Empereur d'Allénie. Si elles avaient été respectées que serait-il arrivé ? L'Empire se serait peut-être porté mieux ? Ou plus mal ?

-Elizabeth !

Salim rentra brusquement dans le bureau. Il était paniqué, les larmes aux yeux, chamboulé :

-Mon père est mort. Damir est au pouvoir.

-Oh ! Je suis navrée de l'apprendre.

-Tu ne comprends pas ! S'affola-t-il.